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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/77

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AU LARGE.

vent ne fut plus qu’une brise légère, et les hôtes du Seamew purent se croire revenus sur la paisible Tamise.

Le résultat de cette accalmie se fit aussitôt sentir. Les malheureux passagers, qu’on n’avait pas revus depuis six jours entiers, montèrent l’un après l’autre sur le pont. Successivement, ils apparurent, visages pâlis, traits tirés, en somme de lamentables ruines.

Indifférent à cette résurrection, Robert, accoudé à une bataviole, fouillait l’horizon des yeux, cherchant vainement la terre prochaine.

« Pardon, monsieur le Professeur, dit tout à coup une voix derrière lui, ne sommes-nous pas ici à la place occupée autrefois par un continent disparu : l’Atlantide ?

Robert, en se retournant, se trouva en face de Roger de Sorgues, d’Alice Lindsay et de Dolly.

Si Roger avait espéré « coller » son compatriote par cette question impromptu, il perdait son temps. La leçon précédente avait porté ses fruits. Robert était ferré, désormais.

— En effet, monsieur, dit-il.

— Ce pays a donc réellement existé ? demanda Alice à son tour.

— Qui le sait ? répondit Robert. Vérité ou légende, une grande incertitude plane évidemment sur l’existence de ce continent.

— Mais enfin, demanda encore Alice, y a-t-il des témoignages en faveur de l’affirmative ?

— Plusieurs, répondit Robert, qui se mit en devoir de réciter son guide. Sans parler de la Méropide, dont Midas, d’après Théopompe de Chio, avait reçu la connaissance du vieux et pauvre Silène, il reste au moins la narration du divin Platon. Avec Platon, la tradition se fait récit, la légende, histoire. Grâce à lui, la chaîne du souvenir a tous ses maillons. Elle se relie d’années en années, de siècles en siècles, et remonte dans la nuit des âges. Les faits dont il se constituait ainsi l’historien, Platon les tenait de Critias, qui lui-même, à l’âge de sept ans, en avait