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Page:Verne - L'Agence Thompson and C°, Hetzel, 1907.djvu/92

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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

se pliaient du reste aisément aux exigences d’un aussi militaire embrigadement. Cela leur semblait tout naturel, et d’eux-mêmes ils s’étaient massés en seize rangs composés chacun de quatre personnes. Seul, Roger de Sorgues fut quelque peu étonné, et dut même réprimer une intempestive envie de rire.

En tête, au premier rang, figurait lady Heilbuth flanquée de sir Hamilton. Cet honneur leur était bien dû. Et tel était sans doute l’avis personnel du baronnet, car il éclatait visiblement de satisfaction. Les autres rangs s’étaient organisés au gré du hasard ou des sympathies. Roger réussit sans peine à compléter celui de la famille Lindsay.

Thompson s’était naturellement excepté de sa combinaison. Sur le flanc de la troupe, en serre-file, rectifiant un alignement défectueux, réfrénant de personnelles velléités d’indépendance, il allait, venait, tel un capitaine, ou, comparaison peut-être plus exacte, tel un pion surveillant un convoi de potaches disciplinés.

Au signal, la colonne s’ébranla. En bon ordre, elle longea la mer, passa devant l’Hôtel de la Vierge, et l’hôtelier put, de sa porte, la suivre d’un regard satisfait. Cent pas plus loin, sur l’invitation de Robert, elle obliqua sur la gauche, et pénétra réellement dans la ville de Horta.

Combien moins engageante de près que de loin, la ville de Horta ! Une seule rue, bifurquée à son extrémité, la compose presque exclusivement. Raide, étroite, irrégulière, mal pavée, cette rue n’est pas précisément une agréable promenade. À cette heure de la journée, le soleil déjà brûlant l’enfilait de bout en bout, cuisant les nuques et les dos, et ses morsures firent bientôt naître des plaintes, que réprimait avec peine l’œil sévère de Thompson.

Les maisons dont la rue de Horta est bordée n’offrent pas assez d’intérêt pour faire mépriser par l’âme les doléances du corps. Grossièrement bâties en murs de lave d’une très grande épaisseur, afin de mieux résister aux tremblements de terre, elles seraient du dernier banal, n’était l’originalité qu’elles atteignent à force de saleté. De ces maisons, le rez-de-chaussée est réguliè-