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LUNE DE MIEL.

de Thompson que personne ne songea à lui disputer. Mary et Bess Blockhead, grâce à une savante manœuvre, se placèrent loin de leur famille, et purent ainsi se consacrer exclusivement au bonheur de Tigg définitivement cerné.

Quand la première faim fut calmée, Thompson prit la parole, et sollicita l’appréciation de ses passagers sur la ville de Horta.

« C’est superbe ! s’écria Blockhead, tout simplement superbe !

Mais il parut bientôt que Blockhead était seul de son avis.

— Affreuse ville ! dit l’un.

— Et sale ! renchérit un autre.

— Quelle rue !

— Quelles maisons !

— Quel soleil !

— Quels pavés !

On reconnaîtra le baronnet à cette dernière réclamation.

— Et quel hôtel ! dit à son tour Saunders, avec des grincements de scie dans la voix. On voit bien qu’on nous a promis des hôtels de premier ordre.

Saunders n’avait pas tout à fait tort, on doit le reconnaître. Certes, les œufs, le jambon, le poulet, figuraient en effet sur la table. Mais le service laissait singulièrement à désirer. La nappe ne manquait pas de trous, les fourchettes étaient de fer, et l’on ne changeait pas les assiettes, d’ailleurs d’une propreté douteuse. Thompson secoua la tête d’un air belliqueux.

— Ai-je donc besoin de faire observer à Mr. Saunders, siffla-t-il avec amertume, que les mots « Hôtels de premier ordre » n’ont qu’une valeur tout à fait relative ? Une auberge des faubourgs de Londres devient un confortable hôtel au Kamtchatka…

— Et en général, interrompit Hamilton, dans tout pays habité par un peuple latin, c’est-à-dire inférieur. Ah ! si nous étions dans une colonie anglaise !… »

Mais le baronnet ne put à son tour achever sa pensée. Le déjeuner terminé, on partait bruyamment. Thompson, sorti le dernier, eut la satisfaction de trouver la colonne reformée. Cha-