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l’école des robinsons

Ce déjeuner terminé, Godfrey reprit son bâton et coupa obliquement vers le sud-est, de manière à remonter la rive droite du ruisseau. Ce chemin devait le conduire, à travers la prairie, jusqu’aux bouquets d’arbres aperçus la veille, au delà des longues lignes de buissons et d’arbustes qu’il voulait examiner de près.

Godfrey s’avança donc dans cette direction pendant deux milles environ. Il suivait la berge du rio, tapissée d’une herbe courte et serrée comme une étoffe de velours. Des bandes d’oiseaux aquatiques s’envolaient bruyamment devant cet être, nouveau pour eux, qui venait troubler leur domaine. Là aussi, des poissons de plusieurs espèces couraient à travers les eaux vives du ruisseau, dont la largeur, en cette partie, pouvait être évaluée à quatre ou cinq yards.

De ces poissons-là, il ne serait évidemment pas difficile de s’emparer ; encore fallait-il pouvoir les faire cuire : c’était toujours l’insoluble question.

Fort heureusement, Godfrey, arrivé aux premières lignes de buissons, reconnut deux sortes de fruits ou racines, dont les uns avaient besoin de passer par l’épreuve du feu avant d’être mangés, mais dont les autres étaient comestibles à l’état naturel. De ces deux végétaux, les Indiens d’Amérique font un constant usage.

Le premier était un de ces arbustes nommés « camas », qui poussent même dans les terrains impropres à toute culture. Avec leurs racines, qui ressemblent à un oignon, on fait une sorte de farine très riche en gluten et très nourrissante, à moins qu’on ne préfère les manger comme des pommes de terre. Mais, dans les deux cas, il faut toujours les soumettre à une certaine cuisson ou torréfaction.

L’autre arbuste produisait une espèce de bulbe de forme oblongue, qui porte le nom indigène de « yamph », et s’il possède, peut-être, moins de principes nutritifs que le camas, il était bien préférable en cette circonstance, puisqu’on peut le manger cru.

Godfrey, très satisfait de cette découverte, se rassasia, sans plus tarder, de quelques-unes de ces excellentes racines, et, n’oubliant pas le déjeuner de Tartelett, il en fit une grosse botte qu’il jeta sur son épaule, puis il reprit le chemin de Will-Tree.

S’il fut bien reçu en arrivant avec sa récolte d’yamphs, il est inutile d’y insister. Le professeur se régala avidement, et il fallut que son élève l’engageât à se modérer.