Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/162

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
l’école des robinsons

Cela n’apprenait rien à Godfrey, ni sur le nom géographique que devait porter l’île, ni sur sa situation dans le Pacifique. Ses souvenirs ne lui rappelaient aucunement ce nom : c’était probablement une dénomination indigène, peut-être inconnue des cartographes.

Cependant, Carèfinotu ne cessait de regarder les deux blancs, non sans quelque stupeur, allant de l’un à l’autre, comme s’il eût voulu bien établir dans son esprit les différences qui les caractérisaient. Sa bouche souriait en découvrant de magnifiques dents blanches, que Tartelett n’examinait pas sans une certaine réserve.

« Si ces dents-là, dit-il, n’ont jamais mordu à la chair humaine, je veux que ma pochette éclate dans ma main !

— En tout cas, Tartelett, répondit Godfrey, notre nouveau compagnon n’a plus l’air d’un pauvre diable que l’on va faire cuire et manger ! C’est le principal ! »

Ce qui attirait plus particulièrement l’attention de Carèfinotu, c’étaient les armes que portaient Godfrey et Tartelett, — aussi bien le fusil qu’ils tenaient à la main que le revolver passé à leur ceinture.

Godfrey s’aperçut aisément de ce sentiment de curiosité. Il était évident que le sauvage n’avait jamais vu d’arme à feu. Se disait-il que c’était un de ces tubes de fer qui avait lancé la foudre, amené sa propre délivrance ? On pouvait en douter.

Godfrey voulut alors lui donner, non sans raison, une haute idée de la puissance des blancs. Il arma son fusil, puis, montrant à Carèfinotu une bartavelle qui voletait dans la prairie à une cinquantaine de pas, il épaula vivement, et fit feu : l’oiseau tomba.

Au bruit de la détonation, le noir avait fait un saut prodigieux, que Tartelett ne put s’empêcher d’admirer au point de vue chorégraphique. Surmontant alors sa frayeur, voyant le volatile qui, l’aile cassée, se traînait dans les herbes, il prit son élan, et, aussi rapide qu’un chien de chasse, il courut vers l’oiseau, puis, avec force gambades, moitié joyeux, moitié stupéfait, il le rapporta à son maître.

Tartelett eut alors la pensée de montrer à Carèfinotu que le Grand-Esprit l’avait gratifié, lui aussi, de la puissance foudroyante. Aussi, apercevant un martin-pêcheur, tranquillement perché sur un vieux tronc, près du rio, il le coucha en joue.

« Non ! fit aussitôt Godfrey. Ne tirez pas, Tartelett !