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tartelett voudrait bien s’en aller.

Mais le noir, l’y poursuivant, lui abattit la tête d’un coup de hache. Lorsque Godfrey le rejoignit, les deux tronçons du reptile tressautaient sur le sol ensanglanté.

Puis, d’autres serpents, non moins dangereux, se montrèrent encore, en grand nombre, sur toute cette partie de la prairie que le ruisseau séparait de Will-Tree.

Était-ce donc une invasion de reptiles qui se produisait tout à coup ? L’île Phina allait-elle devenir la rivale de cette ancienne Tenos, que ses redoutables ophidiens rendirent célèbre dans l’antiquité, et qui donna son nom à la vipère ?

« Marchons ! marchons ! » s’écria Godfrey, en faisant signe à Carèfinotu de presser le pas.

Il était inquiet. De tristes pressentiments l’agitaient, sans qu’il pût parvenir à les maîtriser.

Sous leur influence, pressentant quelque malheur prochain, il avait hâte d’être de retour à Will-Tree.

Et ce fut bien autre chose lorsqu’il approcha de la planche jetée sur le rio.

Des cris d’effroi retentissaient sous le groupe des séquoias. On appelait au secours, avec un accent de terreur auquel il n’y avait pas à se méprendre !

« C’est Tartelett ! s’écria Godfrey. Le malheureux a été attaqué !… Vite ! vite !… »

Le pont franchi, vingt pas plus loin, Tartelett fut aperçu, détalant de toute la vitesse de ses jambes.

Un énorme crocodile, sorti du rio, le poursuivait, la mâchoire ouverte. Le pauvre homme, éperdu, fou d’épouvante, au lieu de se jeter à droite, à gauche, fuyait en ligne droite, risquant ainsi d’être atteint !… Soudain il buta, il tomba… Il était perdu.

Godfrey s’arrêta. En présence de cet imminent danger, son sang-froid ne l’abandonna pas un instant. Il épaula son fusil, il visa le crocodile au-dessous de l’œil.

La balle, bien dirigée, foudroya le monstre, qui fit un bond de côté et retomba sans mouvement sur le sol.

Carèfinotu, s’élançant alors vers Tartelett, le releva… Tartelett en avait été quitte pour la peur ! Mais quelle peur !