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le rayon-vert

raison à ses oncles, ses oncles sauraient bien lui tenir tête pour la première fois de leur vie. Ils ne céderaient ni sur ce point, ni sur aucun autre. Ce serait en grande cérémonie que les invités, au repas des fiançailles, « boiraient à la poutre du toit », selon l’antique usage. Et le bras droit du frère Sam se tendait à demi en même temps que le bras droit du frère Sib, comme s’ils eussent échangé par avance le fameux toast écossais.

En cet instant, la porte du hall s’ouvrit. Une jeune fille, le rose aux joues sous l’animation d’une course rapide, apparut. Sa main agitait un journal déplié. Elle se dirigea vers les frères Melvill et les honora de deux baisers chacun.

« Bonjour, oncle Sam, dit-elle.

— Bonjour, chère fille.

— Comment cela va-t-il, oncle Sib ?

À merveille !

— Helena, dit le frère Sam, nous avons un petit arrangement à prendre avec toi.

— Un arrangement ! Quel arrangement ? Qu’avez-vous donc comploté, mes oncles ? demanda miss Campbell, dont les regards, non sans quelque malice, allaient de l’un à l’autre.

— Tu connais ce jeune homme, monsieur Aristobulus Ursiclos ?

— Je le connais.

— Te déplairait-il ?

— Pourquoi me déplairait-il, oncle Sam ?

— Alors te plairait-il ?

— Pourquoi me plairait-il, oncle Sib ?

— Enfin, frère et moi, après avoir réfléchi mûrement, nous pensons à te le proposer pour mari.

— Me marier ! moi ! s’écria miss Campbell, qui partit du plus joyeux éclat de rire que les échos du hall eussent jamais répété.

— Tu ne veux pas te marier ? dit le frère Sam.

À quoi bon ?

— Jamais ?… dit le frère Sib.

— Jamais, répondit miss Campbell, en prenant un air sérieux que démentait sa bouche souriante, jamais, mes oncles… du moins tant que je n’aurai pas vu…

— Quoi donc ? s’écrièrent le frère Sam et le frère Sib.

— Tant que je n’aurai pas vu le Rayon-Vert. »