Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/339

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
deux coups de fusil.

— Monsieur Ursiclos, répondit Olivier Sinclair, je suis heureux que le hasard m’ait permis de vous venir en aide !

— Laissez-moi pourtant vous remercier…

— Cela n’en vaut pas la peine, monsieur. Vous en auriez certainement fait autant pour moi ?

— Sans doute !

— Eh bien, à charge de revanche ! »

Et les deux jeunes gens se séparèrent.

Olivier Sinclair ne crut point devoir parler de cet incident, qui n’avait pas autrement d’importance. Quant à Aristobulus Ursiclos, il n’en parla pas davantage ; mais, au fond, comme il tenait beaucoup à sa peau, il sut gré à son rival de l’avoir tiré de ce mauvais pas.

Eh bien, et le fameux rayon ? il faut convenir qu’il se faisait singulièrement prier ! Cependant, il n’y avait plus de temps à perdre. La saison d’automne ne pouvait tarder à recouvrir le ciel de son voile de brumes. Alors, plus de ces soirées limpides, dont septembre se montre si avare sous les latitudes élevées. Plus de ces horizons nets, qui semblent plutôt tracés par le compas d’un géomètre que par le pinceau d’un artiste. Faudrait-il donc renoncer à voir le phénomène, cause de tant de déplacements ? Serait-on obligé de remettre l’observation à l’année prochaine ou s’entêterait-on à la poursuivre sous d’autres cieux ?

En vérité, c’était une cause de dépit pour miss Campbell autant que pour Olivier Sinclair. Tous deux enrageaient très sérieusement à voir l’horizon des Hébrides obscurci sous les vapeurs de la haute mer.

Ce fut ainsi pendant les quatre premiers jours de ce brumeux mois de septembre.

Chaque soir, miss Campbell, Olivier Sinclair, le frère Sam, le frère Sib, dame Bess et Partridge, assis sur quelque roche que baignaient les petites ondulations de la marée, assistaient consciencieusement au coucher du soleil sur d’admirables fonds de lumière, plus splendides, sans doute, que si la pureté du ciel eût été parfaite.

Un artiste aurait battu des mains devant ces magnifiques apothéoses qui se développaient à la chute du jour, devant cette éblouissante gamme de couleurs, se dégradant d’un nuage à l’autre, depuis le violet du zénith jusqu’au rouge d’or de l’horizon, devant cette éblouissante cascade de feux rebondissant sur des roches aériennes ; mais, ici, les roches étaient des nuages,