Aller au contenu

Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
À TRAVERS LE TRANSVAAL.

— Non, petit père, mais Bardik connaît le désert et t’avertit que ce cheval n’est pas « salé ».

— Pas « salé ? » As-tu donc la prétention de me faire acheter un cheval en barrique ?

— Non petit père, mais cela veut dire qu’il n’a pas encore eu la maladie du Veld. Il l’aura nécessairement bientôt, et même, s’il n’en meurt pas, il te deviendra inutile !

— Ah ! fit Cyprien, très frappé de l’avertissement que lui donnait son serviteur. Et en quoi consiste cette maladie ?

— C’est une fièvre ardente, accompagnée de toux, répondit Bardik. Il est indispensable de n’acheter que des chevaux qui l’aient déjà eue — ce qui se reconnaît aisément à leur aspect, — parce qu’il est rare, lorsqu’ils en ont réchappé, qu’ils soient pris une seconde fois ! »

Devant une telle éventualité, il n’y avait pas à hésiter. Cyprien suspendit immédiatement sa négociation et alla aux renseignements. Tout le monde lui confirma ce que lui avait dit Bardik. C’était un fait si parfaitement notoire, dans le pays, qu’on n’en parlait même point.

Ainsi mis en garde contre son inexpérience, le jeune ingénieur devint plus prudent et s’assura les conseils d’un médecin vétérinaire de Potchefstrom.

Grâce à l’intervention de ce spécialiste, il lui fut possible de se procurer, en quelques heures, la monture qu’il fallait pour ce genre de voyage. C’était un vieux cheval gris, qui n’avait que la peau et les os et ne possédait même en propre qu’une fraction de queue. Mais il n’y avait qu’à le voir pour s’assurer que celui-là, du moins, avait été « salé, » et, quoiqu’il eût le trot un peu dur, il valait évidemment beaucoup mieux que sa mine. Templar, — c’était son nom, — jouissait dans le pays d’une véritable réputation, comme cheval de fatigue, et, lorsqu’il l’eut vu, Bardik, qui avait bien quelque droit à être consulté, se déclara pleinement satisfait.

Quant à lui, il devait être spécialement préposé à la direction du wagon et des attelages de bœufs, fonction dans laquelle son camarade Lî devait lui venir en aide.

Il n’y avait donc pas à s’inquiéter de les monter, ni l’un ni l’autre, — ce que Cyprien n’aurait jamais pu faire, étant donné le prix qu’il fallut débourser pour l’acquisition de son propre cheval.

La question des armes n’était pas moins délicate. Cyprien avait bien choisi ses fusils, un excellent rifle du système Martini-Henry, et une carabine