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À TRAVERS LE TRANSVAAL.

Mais Annibal Pantalacci ne manquait guère alors d’intervenir et de lui couper la parole.

« Quel besoin avez-vous de faire part de vos connaissances au Frenchman ? lui disait-il à mi-voix. Tenez-vous donc beaucoup à lui voir gagner le prix de la course ? À votre place, je garderais pour moi ce que je sais et n’en soufflerais mot ! »

Et James Hilton de répondre, en regardant le Napolitain avec une admiration sincère :

« C’est très fort ce que vous me dites là… très fort !… Voilà une idée qui ne me serait pas venue ! »

Cyprien, lui, n’avait pas manqué d’avertir loyalement Friedel de ce qu’il avait appris au sujet des chevaux du pays, mais il se heurta contre une suffisance et un entêtement sans bornes. L’Allemand ne voulait rien entendre et prétendait n’agir qu’à sa tête. Il acheta donc le cheval le plus jeune et le plus ardent qu’il put trouver, — celui-là même que Cyprien avait refusé, — et se préoccupa surtout de se munir d’engins de pêche, sous prétexte qu’on serait bientôt las du gibier.

Enfin, ces préparatifs achevés, on put se mettre en route, et la caravane se forma dans l’ordre qui va être indiqué.

Le wagon, traîné par douze bœufs roux et noirs, s’avançait, d’abord, sous la haute direction de Bardik, qui tantôt marchait auprès des robustes bêtes, son aiguillon en main, tantôt, pour se reposer, sautait sur l’avant du chariot. Là, trônant près du siège, il n’avait plus qu’à s’abandonner aux cahots des routes, sans s’inquiéter du reste, et paraissait enchanté de ce mode de locomotion. Les quatre cavaliers venaient de front à l’arrière-garde. Sauf les cas où ils jugeraient à propos de s’écarter pour tirer une perdrix ou faire une reconnaissance, tel devait être pour de longs jours l’ordre à peu près immuable de la petite caravane.

Après une délibération rapide, il fut convenu qu’on se dirigerait droit vers la source du Limpopo. Tous les renseignements tendaient à démontrer que Matakit devait suivre cette route. En effet, il n’en pouvait guère prendre d’autre, si son intention était de s’éloigner au plus tôt des possessions britanniques. L’avantage que le Cafre avait sur ceux qui le poursuivaient était à la fois dans sa parfaite connaissance du pays et dans la légèreté de son équipage. D’une part, il savait évidemment où il allait et prenait la voie la plus directe ; de l’autre, il était sûr, grâce à ses relations dans le nord, de trouver