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UN STEEPLE-CHASE AFRICAIN.

Le misérable était toujours là. À cent pas de lui, Cyprien et Lî s’arrêtèrent. Voici ce qui s’était passé.

Le Napolitain, tout à l’ardeur de sa poursuite, n’avait pas aperçu un gigantesque filet, tendu par les Cafres, pour prendre les oiseaux qui font à leurs récoltes une guerre incessante. Or, c’est dans ce filet qu’Annibal Pantalacci venait de s’empêtrer.

Et ce n’était pas là un filet de petite dimension ! Celui-là mesurait au moins cinquante mètres de côté et recouvrait déjà plusieurs milliers d’oiseaux de toute espèce, de toute taille, de tout plumage, et entre autres, une demi-douzaine de ces énormes gypaëtes, d’une envergure d’un mètre cinquante, qui ne dédaignent pas les régions de l’Afrique australe.

La chute du Napolitain, au milieu de ce monde de volatiles, les mit naturellement en grande rumeur.

Annibal Pantalacci, d’abord un peu étourdi de sa chute, avait essayé presque aussitôt de se relever. Mais ses pieds, ses jambes, ses mains, s’étaient si bien pris dans les mailles du filet, qu’il ne put pas parvenir du premier coup à s’en dégager.

Il n’y avait pas de temps à perdre, pourtant. Aussi donnait-il des secousses terribles, tirant de toutes ses forces sur le filet, le soulevant, l’arrachant aux piquets qui le maintenaient au sol, tandis que les oiseaux, grands et petits, faisaient le même travail pour s’enfuir.

Mais plus le Napolitain luttait, plus il s’embarrassait dans les solides mailles de l’immense nasse.

Cependant, une humiliation suprême lui était réservée. Une des girafes venait de le rejoindre, et celui qui la montait, n’était autre que le Chinois. Lî s’était jeté à terre, et avec sa malice froide, pensant que le meilleur moyen de s’assurer du prisonnier était de l’enfermer définitivement dans le filet, il n’avait rien de plus pressé que de détacher le côté qui se trouvait vers lui avec l’intention d’en rabattre les mailles les unes sur les autres.

C’est à cet instant que se produisit soudain un coup de théâtre des plus inattendus.

En ce moment, le vent se mit à souffler avec une extrême furie, courbant tous les arbres du voisinage, comme si quelque effroyable trombe eût passé au ras du sol.

Or, Annibal Pantalacci, dans ses efforts désespérés, avait déjà arraché un bon nombre des piquets qui retenaient le filet par son appendice inférieur.