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Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/202

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L’ÉTOILE DU SUD.

depuis qu’elle avait pu voir de près et apprécier un homme vraiment supérieur, tel que Cyprien Méré. Elle y pensait le jour, elle en rêvait la nuit, et ses joues fraîches pâlissaient, ses yeux bleus se voilaient d’un nuage de plus en plus sombre.

Or, il y avait déjà trois mois qu’elle attendait ainsi dans le silence et le chagrin. Ce soir-là, elle s’était assise sous l’abat-jour de la lampe, auprès de son père, qui s’était lourdement assoupi près de la cruche de gin. La tête penchée sur un ouvrage de tapisserie qu’elle avait entrepris pour suppléer à la musique négligée, elle songeait tristement.

Un coup discret, frappé à la porte, vint tout à coup interrompre sa longue rêverie.

« Entrez, dit-elle, assez surprise et se demandant qui pouvait venir à pareille heure.

— Ce n’est que moi, miss Watkins ! » répondit une voix qui la fit tressaillir — la voix de Cyprien.

Et c’était bien lui qui revenait, pâle, amaigri, hâlé, avec une grande barbe qu’on ne lui connaissait pas, des vêtements usés par les longues marches, mais toujours alerte, toujours courtois, toujours les yeux riants et la bouche souriante.

Alice s’était levée en poussant un cri d’étonnement et de joie. D’une main, elle essayait de contenir les battements de son cœur ; puis, elle tendait l’autre au jeune ingénieur, qui la serrait dans les siennes, lorsque Mr. Watkins, sortant de son assoupissement, ouvrit les yeux et demanda ce qu’il y avait de neuf.

Il fallut deux ou trois bonnes minutes au fermier pour se rendre compte de la réalité. Mais, à peine une lueur d’intelligence lui fut-elle revenue, qu’un cri — le cri du cœur — lui échappa.

« Et le diamant ? »

Le diamant, hélas ! n’était pas de retour.

Cyprien conta rapidement alors les diverses péripéties de l’expédition. Il dit la mort de Friedel, celle d’Annibal Pantalacci et de James Hilton, la poursuite de Matakit et sa captivité chez Tonaïa, — sans parler de son retour en Griqualand, — mais il fit connaître les motifs de certitude qu’il rapportait de la pleine innocence du jeune Cafre. Il n’oublia pas de rendre hommage au dévouement de Bardik et de Lî, à l’amitié de Pharamond Barthès, de rappeler tout ce qu’il devait au brave chasseur et comment, grâce à lui, il avait pu