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L’ÉTOILE DU SUD.

— Mais nous ne pouvons pas rester là sans rien faire pour tenter de le sauver ! s’écria Cyprien. Peut-être vit-il encore !… »

Thomas Steel secoua la tête.

« Qu’il vive sous quinze à vingt tonnes de terre, c’est peu probable ! dit-il. Du reste, il faudrait au moins dix hommes travaillant deux ou trois jours pour vider la mine !

— N’importe ! répondit résolument le jeune ingénieur. Il ne sera pas dit que nous aurons laissé une créature humaine, enfouie dans ce tombeau, sans essayer de l’en tirer ! »

Puis, s’adressant à l’un des Cafres par l’intermédiaire de Bardik, qui se trouvait là, il annonça qu’il offrait une haute paie de cinq shillings par jour à tous ceux qui voudraient s’embaucher sous ses ordres pour déblayer son claim.

Une trentaine de nègres s’offrirent aussitôt, et, sans perdre un instant, on se mit à l’œuvre. Les pics, les pioches, les pelles ne manquaient pas ; les seaux et les câbles étaient tout prêts, les tombereaux aussi. Un grand nombre de mineurs blancs, apprenant qu’il s’agissait de déterrer un pauvre diable enseveli sous l’éboulement, offrirent bénévolement leurs concours. Thomas Steel, électrisé par l’entrain de Cyprien, ne se montrait pas le moins actif pour diriger cette opération de sauvetage.

À midi, on avait déjà retiré plusieurs tonnes de sable et de pierres, entassées au fond du claim.

À trois heures, Bardik poussa un cri rauque : il venait d’apercevoir, sous sa pioche, un pied noir qui sortait de terre.

On redoubla d’efforts, et, quelques minutes plus tard, le corps entier de Matakit était exhumé. Le malheureux Cafre était couché sur le dos, immobile, mort selon toute apparence. Par un hasard singulier, un des seaux de cuir, qui lui servaient pour son travail, s’était renversé sur sa face et la recouvrait comme eut fait un masque.

Cette circonstance, que Cyprien remarqua tout de suite, lui donna à penser qu’il pourrait peut-être rappeler le malheureux à la vie ; mais, en réalité, cet espoir était bien faible, car le cœur ne battait plus, la peau était froide, les membres raidis, les mains crispées par l’agonie, et la figure — de cette pâleur livide qui est celle des nègres — était effroyablement contractée par l’asphyxie.

Cyprien ne perdit pas courage. Il fit transporter Matakit dans la case de