Page:Verne - L’Étoile du sud, Hetzel, 1884.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
76
L’ÉTOILE DU SUD.

Batteries était le mot, car, ainsi qu’on va le voir, un canon y devait jouer son rôle.

Diverses analogies portaient le jeune ingénieur à admettre que le diamant pourrait bien se former dans les Kopjes de la même manière que le soufre dans les solfatares. Or, on sait que le soufre résulte d’une demi-oxydation de l’hydrogène sulfuré ; après qu’une partie s’est changée en acide sulfureux, le reste se dépose en cristaux sur les parois de la solfatare.

« Qui sait, se disait Cyprien, si les gisements de diamants ne sont pas de véritables carbonatares ? Puisqu’un mélange d’hydrogène et de carbone y arrive nécessairement, avec les eaux et les dépôts alluviaux, sous forme de gaz des marais, pourquoi ne serait-ce pas l’oxydation de l’hydrogène, jointe à l’oxydation partielle du carbone, qui amènerait la cristallisation du carbone en excès ? »

De cette idée à essayer de faire jouer à un corps quelconque, dans une réaction analogue mais artificielle, la fonction théorique de l’oxygène, il n’y avait pas loin pour un chimiste.

Et c’est à l’exécution immédiate de ce programme que Cyprien s’arrêta définitivement.

Avant tout, il s’agissait d’imaginer un dispositif expérimental, qui se rapprochât autant que possible des conditions supposées de production du diamant naturel. De plus, ce dispositif, il le fallait très simple. Tout ce qui se fait de grand dans la nature ou dans l’art a ce caractère. Quoi de moins compliqué que les plus belles découvertes conquises par humanité, — la gravitation, la boussole, l’imprimerie, la machine à vapeur, le télégraphe électrique ?

Cyprien allait faire lui-même, dans les profondeurs de la mine, des provisions de terre d’une qualité qu’il croyait être particulièrement favorable à son expérience. Puis, il composa avec cette terre un mortier épais, dont il enduisit soigneusement l’intérieur d’un tube d’acier, long d’un demi-mètre, épais de cinq centimètres et qui mesurait huit centimètres de calibre.

Ce tube n’était autre chose qu’un segment de canon hors de service, qu’il avait pu acheter, à Kimberley, d’une compagnie de volontaires, dont le licenciement s’opérait, après une campagne contre les tribus cafres du voisinage. Ledit canon, convenablement scié dans l’atelier de Jacobus Vandergaart, avait fourni précisément l’engin qu’il fallait, c’est-à-dire un récipient d’une résistance suffisante pour supporter une énorme pression à l’intérieur.