que lui causait le peu de prix qu’on semblait attribuer à son sacrifice.
— Tiens ! tiens !… fit Harry Killer d’un air sardonique.
Il se tourna vers ses compagnons.
— Laissez-nous, camarades, dit-il.
Les huit conseillers se levèrent. Ils titubaient tous plus ou moins.
— C’est bon, on te laisse, répondit l’un d’eux, en riant grossièrement.
Ils atteignaient déjà la porte. Harry Killer les arrêta du geste, et, se tournant vers Jane Buxton :
— Je ne vous demande pas des nouvelles de Tchoumouki, lui dit-il. J’en ai trouvé les morceaux. Mais, l’autre, qu’est-il devenu ?
— Ce n’est pas nous qui avons tué Tchoumouki, répondit Jane. Il est mort dans l’explosion, en voulant faire sauter le planeur.
Son compagnon a été blessé en même temps. On le soigne à l’Usine.
— Ah ! ah !… fit Harry Killer. Et le planeur ?…
— Il est détruit, répondit Jane.
Harry Killer, très satisfait, se frotta les mains, pendant que disparaissaient ses huit conseillers.
— Alors, comme ça, vous vous rendez ? demanda-t-il à sa prisonnière, quand il fut seul avec elle. Pourquoi vous rendez-vous ?
— Pour sauver les autres, dit Jane bravement.
— Pas possible !… s’écria Harry Killer en ricanant. Ils sont donc au bout du rouleau, les autres ?
— Oui, avoua Jane, qui baissa les yeux.
De joie, Harry Killer se versa une large rasade d’alcool, qu’il avala d’un trait.
— Et alors ?… demanda-t-il quand il eut fini de boire.
— Il y a quelque temps, murmura Jane dont la honte empourprait le visage, vous vouliez faire de moi votre femme. J’accepterai, à la condition que vous laissiez la liberté à tous les autres.
— Des conditions !… s’exclama Harry Killer stupéfait. Vous croyez-vous donc en situation d’en faire, ma petite ? Puisque les gens de l’Usine sont à bout, je les aurai demain ou après-demain, et vous avec eux. Ce n’était pas la peine de venir ce soir, je ne suis pas à un jour près.
Il se leva et s’avança vers elle en chancelant.
— Vous en avez un aplomb, de poser des conditions !… s’écria-t-il. Des conditions pour être ma femme !… Ah ! ah ! mais vous serez ma femme quand il me plaira. Non, mais, que feriez-vous pour m’en empêcher ? Je serais curieux de le savoir.
Il marchait sur Jane Buxton, qui reculait, terrifiée, en étendant vers elle ses mains tremblantes. Il la touchait presque. Bientôt la jeune fille acculée à la muraille, reçut en plein visage son haleine brûlante empuantie d’alcool.
— On peut toujours mourir, dit-elle.
— Mourir !… répéta Harry Killer qui restait immobile sur ses jambes flageolantes, arrêté net par ce mot prononcé avec une froide énergie.
— Mourir !… répéta-t-il en se grattant le menton d’un air indécis.
Puis, après un nouveau silence, il s’écria, sautant à une autre idée :
— Bah !… On verra ça demain. On s’entendra, tous les deux, ma fille… En attendant, soyons gais et confortables.
Il reprit place dans son fauteuil, et, tendant son verre :
— À boire !… dit-il.
Les verres succédèrent aux verres. Un quart d’heure plus tard, Harry Killer, déjà à peu près ivre lors de l’arrivée de Jane Buxton, ronflait comme un orgue.
Une fois de plus, la jeune fille avait à sa merci cette brute qui était peut-être le meurtrier de son frère. Elle aurait pu le frapper en plein cœur, avec l’arme même qui avait frappé George Buxton. Mais à quoi bon ?