Page:Verne - L’Étonnante Aventure de la mission Barsac, parue dans Le Matin, avril à juillet 1914.djvu/221

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Il avança encore. Il touchait presque maintenant le frère et la sœur, épouvantés par cet accès de sauvage démence.

— Ah ! on m’a chassé !… Qu’aurais-je fait des sommes misérables qu’on m’offrait ? À moi, il faut de l’or, beaucoup d’or, des montagnes d’or !… J’en ai eu… de l’or… à remuer à la pelle… en monceaux… sans vous… sans le secours de personne… à moi seul !… Ce que j’ai fait pour m’en procurer ?… Ah ! ah !… Ce que les gens de votre espèce appellent des crimes… J’ai volé… tué… assassiné… tous… tous les crimes !… Ah ! ah !…

« Mais l’or n’était pas tout pour moi… Quelque chose de plus fort encore, c’était la haine que je vous porte… à tous… exécrable famille des Glenor !… C’est pourquoi je suis venu en Afrique. J’ai rôdé autour de la colonne de George Buxton… et je me suis présenté à lui… J’ai joué la comédie… regrets… repentir… remords… J’ai été menteur… fourbe, hypocrite… C’est de bonne guerre, pas vrai ?… L’imbécile s’y est laissé prendre… Il m’a ouvert les bras… J’ai partagé sa tente… sa table… Ah ! ah ! j’en ai profité, de sa stupide confiance !… Chaque jour un peu plus de poudre dans ses aliments… Quelle poudre ?… Que vous importe ? Opium… hachisch… ou autre de ce genre… c’est mon affaire… Cherchez George Buxton… Un enfant, un petit enfant sans force…

« Le chef ?… Moi !… Alors, quels exploits !… Les journaux en étaient pleins… George Buxton le fou… George Buxton l’assassin… George Buxton le traître… ils ne parlaient que de ça… Qui a ri, plus tard, en lisant ces tirades ?… Moi, je pense… Mais passons… Un jour, des soldats sont arrivés… George Buxton mort, c’était bien… déshonoré, c’était mieux… Je l’ai donc tué pour qu’il se taise…

« Alors, je suis venu ici, et j’ai fondé cette ville… Pas mal, n’est-ce pas, pour celui qu’on avait honteusement chassé ? Ici, je suis le chef… le maître, le roi… l’empereur… Je commande, on obéit… Pourtant, ma joie n’était pas complète… À votre père, il restait encore un fils et une fille.

Cela ne pouvait pas durer… Le fils, d’abord… Un jour où j’avais besoin d’argent j’ai pris le sien… et lui par-dessus le marché… Ah ! ah ! assommé, le fils… ficelé comme un jambon, le fils… au fond d’une malle, le fils… Et en route !… Trains, bateaux, planeurs, en route ! jusqu’ici… chez moi… dans mon empire !… Et je le tuerai… comme l’autre… mais moins vite… lentement… jour par jour !… Pendant ce temps… là-bas… en Angleterre… le père… Oh ! un lord… et riche !… le père sait que son fils est parti… en emportant la caisse… Pas mal charpenté, tout ça, Dieu me damne !…

« Restait la fille… ma sœur… Ah ! ah ! ma sœur !… C’était son tour… Que lui faire, à