Page:Verne - L’Archipel en feu, 1884.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

115
sus aux pirates de l’archipel !

attaquait tantôt avec un rapide brick levantin, tantôt avec une de ces légères corvettes qu’on ne pouvait vaincre à la course, et toujours sous pavillon noir. Que, dans une de ces rencontres, il ne fût pas le plus fort, qu’il eût à chercher son salut par la fuite, en présence de quelque redoutable navire de guerre, il disparaissait soudain. Et, en quel refuge inconnu, en quel coin ignoré de l’Archipel, aurait-on tenté de le rejoindre ? Il connaissait les plus secrètes passes de ces côtes, dont l’hydrographie laissait encore à désirer à cette époque.

Si le pirate Sacratif était un bon marin, c’était aussi un terrible homme d’attaque. Toujours secondé par des équipages qui ne reculaient devant rien, il n’oubliait jamais de leur donner, après le combat, la « part du diable », c’est-à-dire quelques heures de massacre et de pillage. Aussi ses compagnons le suivaient-ils partout où il voulait les mener. Ils exécutaient ses ordres quels qu’ils fussent. Tous se seraient fait tuer pour lui. La menace du plus effroyable supplice ne les eût pas fait dénoncer le chef, qui exerçait sur eux une véritable fascination. À de tels hommes, lancés à l’abordage, il est rare qu’un navire puisse résister, surtout un bâtiment de commerce, auquel manquent les moyens suffisants de défense.

En tout cas, si Sacratif, malgré toute son habileté,