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l’invasion de la mer

s’abritent les vendeurs, tendues soit d’une natte, soit d’une légère étoffe que supportent des branches de palmier. Au-devant s’étalent les marchandises, qui ont été apportées à dos de chameaux, d’oasis en oasis.

Le marchef et le brigadier eurent là une occasion, qui se présentait fréquemment, pour tout dire, d’absorber quelques verres de vin de palmier, cette boisson indigène connue sous le nom de « lagmi ». Elle provient du palmier : ou l’on coupe la tête de l’arbre pour l’obtenir, décapitation dont il meurt inévitablement, ou l’on se contente de pratiquer des incisions qui ne laissent pas s’échapper la sève en telle quantité que la mort s’ensuive.

« Pistache, recommanda le marchef à son subordonné, tu sais qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses !… et ce lagmi est traître en diable…

— Oh, marchef, moins que le vin de dattes ! répondit le brigadier, qui possédait, à ce sujet, des notions très exactes.

— Moins, sans doute, j’en conviens, reprit Nicol, mais il faut s’en défier, car il s’attaque aux jambes aussi bien qu’à la tête !

— Soyez tranquille, marchef, et, tenez, voici des Arabes qui donneraient un bien mauvais exemple à nos hommes ! »

En effet, deux ou trois indigènes, pris de boisson, titubant de droite et de gauche, passaient sur le souk, dans un état d’ébriété peu convenable, surtout pour des Arabes, et qui provoqua cette juste réflexion du brigadier :

« Je croyais que leur Mahomet avait interdit à tous ses fidèles de s’enivrer…

— Oui, Pistache, répondit le marchef, avec tous les vins quels qu’ils soient, sauf ce lagmi… Il paraît que le Coran fait une exception pour ce produit du Djerid…

— Et je vois que les Arabes en profitent !… » répliqua le brigadier.

Il paraît que le lagmi ne figure pas sur la liste des boissons fermentées défendues aux fils du Prophète.