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l’invasion de la mer

encaissantes, les chevaux s’arrêtaient sur le bord de bas-fonds emplis d’un liquide stagnant.

De loin le capitaine Hardigan aurait pu croire qu’un détachement de cavaliers arabes allait et venait encore à travers ces désertes bassures du chott ; mais à l’approche de ses hommes toute la troupe s’enfuyait, non point au grand galop, mais à tire d’aile.

Il n’y avait là qu’une bande de flamants bleus et roses, dont le plumage rappelait les couleurs d’un uniforme, et, si rapidement que Coupe-à-cœur se mît à leur poursuite, il ne parvenait pas à rejoindre ces magnifiques représentants de la famille des échassiers.

En même temps, quelles myriades d’oiseaux il faisait lever de toutes parts, et quels cris traversaient l’espace à l’envol des boa-habibis, ces assourdissants moineaux du Djerid !

Cependant, à suivre les contours du Rharsa, le détachement trouverait sans peine des lieux de campement qu’il n’eût pas rencontrés au centre de la dépression. C’est pour cette raison que ce chott était presque entièrement inondable, tandis que certaines parties du Melrir, ayant une cote positive, émergeraient encore après l’introduction des eaux méditerranéennes. On allait donc d’oasis en oasis plus ou moins habitées, destinées à devenir des « marsâ », c’est-à-dire ports ou calanques de la nouvelle mer. On les désigne sous le nom de « toua » en langue berbère, et en ces oasis le sol reprend toute sa fertilité, les arbres, palmiers et autres reparaissent en grand nombre, les pâturages n’y manquent point, de telle sorte que Va-d’l’avant et ses camarades n’avaient point à se plaindre de la rareté des fourrages. Mais, ces oasis aussitôt dépassées, brusquement le sol reprenait son aridité naturelle. Aux « mourdj » herbeux succédait soudain le « reg » qui est un sol plat composé de gravier et de sable.

Toutefois, il y a lieu de l’observer, la reconnaissance de cette limite méridionale du Rharsa s’effectuait sans grandes fatigues.