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le chott rharsa.

coups de feu continuaient à partir de droite et de gauche au milieu de volutes de fumée et de poussière. Toutefois, le tourbillon commençait à se dissiper, sous le souffle d’une brise du sud-est, qui se levait.

Le capitaine Hardigan put se rendre compte alors de la nature de cette lutte si violemment engagée.

C’était bien, comme on n’allait pas tarder à l’apprendre, une caravane dont le cheminement venait d’être interrompu en cette partie du chott. Cinq jours avant, elle quittait l’oasis de Zeribet, au nord du Melrir, se dirigeant vers Tozeur, d’où elle gagnerait Gabès. Une vingtaine d’Arabes en formaient le personnel conduisant une centaine de chameaux de toute taille.

Ils allaient ainsi, pressant les étapes, les bêtes devant avec leurs charges de dattes, en sacs… Eux, les chameliers, marchaient derrière, répétant le cri que l’un d’eux poussait d’une voix rauque pour exciter les animaux.

La caravane, dont le voyage s’était jusqu’alors effectué dans de bonnes conditions, venait d’atteindre l’extrémité ouest du Rharsa, qu’elle s’apprêtait à traverser dans toute sa longueur sous la conduite d’un guide très expérimenté. Par malheur, dès qu’elle se fut engagée sur les premières pentes du « reg », une soixantaine de cavaliers surgirent soudain de derrière les dunes.

C’était une bande de pillards qui devait avoir facilement raison du personnel de la kafila. Ils mettraient les chameliers en fuite, ils les massacreraient au besoin, ils s’empareraient des bêtes et de leur charge, ils les pousseraient vers quelque lointaine oasis du Djerid, et sans doute cette agression demeurerait impunie, comme tant d’autres, vu l’impossibilité d’en découvrir les auteurs.

Les gens de la caravane tentèrent une résistance qui ne pouvait réussir. Armés de fusils et de pistolets, ils firent usage de leurs armes. Les assaillants, plus nombreux, tirèrent alors, et la kafila, après dix minutes de lutte, finit par se disperser, les animaux, pris de peur, s’enfuyant en toutes directions.