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l’invasion de la mer

à ceux qui, en France, dans les Landes, avaient été employés pour protéger les côtes, contre le double envahissement de la mer et des sables. C’est-à-dire qu’avant la réalisation de ses projets il lui semblait nécessaire, indispensable même, de mettre les villes existantes ou à fonder, ainsi que les oasis, à l’abri des surprises d’une mer future qui ne serait certainement pas un lac tranquille, et dont il était prudent de se défier d’avance.

« En même temps, tout un système de travaux hydrauliques s’imposait pour l’aménagement des eaux potables des oued et des rhiss. Ne fallait-il pas éviter de blesser les indigènes et dans leurs habitudes et dans leurs intérêts ? Le succès était à ce prix. Ne fallait-il pas aussi, non pas creuser, mais installer des ports dont le cabotage, vite organisé, tirerait immédiatement profit ?

« Pour ces opérations entamées de tous côtés à la fois, des agglomérations de travailleurs, des villes provisoires s’étaient subitement élevées là où régnait, la veille pour ainsi dire, la solitude à peu près complète. Les nomades, quoique révoltés moralement, étaient contenus par le nombre même des ouvriers. Les ingénieurs se prodiguaient sans réserve et leur science infatigable imposait à cette masse d’hommes qui étaient sous leurs ordres, et qui avaient en eux une confiance illimitée. À ce moment-là le Sud-Tunisien commençait à devenir une véritable ruche humaine, insouciante de l’avenir, et où les spéculateurs de toutes sortes, mercantis, trafiquants, etc., se mettaient en peine d’exploiter les premiers pionniers qui, ne pouvant vivre du pays, étaient obligés de s’en remettre, du soin de leur subsistance, à des fournisseurs venus on ne sait d’où, mais qui se rencontrent toujours partout où se produit cette affluence.

« Et, planant au-dessus de tout cela, de ces nécessités matérielles – irréfragables, l’idée d’un danger ambiant, mais invisible ; le sentiment d’une menace indéfinie, quelque chose de comparable à la vague angoisse qui précède tous les cataclysmes atmosphériques, et qui troublait une grande foule, entourée en