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l’invasion de la mer

« Coupe à cœur ! » s’écria Nicol d’une voix retentissante, et en frappant la table d’un tel coup de poing que sa carte d’atout vola jusqu’au milieu de la salle.

Qui alla la ramasser délicatement, qui la rapporta entre ses dents, ce fut le chien, lequel, jusqu’à ce jour mémorable, s’était appelé Misto.

« Merci, merci, mon camarade, s’écria le marchef, aussi fier de sa double victoire que s’il avait enlevé deux drapeaux à l’ennemi. Coupe-à-cœur, entends-tu ? J’ai coupé à cœur… »

Le chien laissa échapper un long aboiement de satisfaction.

« Oui… Coupe-à-cœur, répétait Nicol, et ce n’est plus Misto, que tu t’appelleras maintenant… ce sera Coupe-à-cœur !… Ça te va-t-il ?… »

Sans doute ce nouveau nom lui allait, à ce digne animal, car, après force gambades, il sauta sur les genoux de son maître, qui faillit être renversé du coup.

Et Misto eut vite oublié son ancien nom pour ce nouveau nom de Coupe-à-cœur, si honorablement connu depuis lors au régiment.

On ne mettra pas en doute que ce projet d’une nouvelle expédition n’eût été accueilli avec une extrême satisfaction par le maréchal des logis-chef Nicol et par le brigadier Pistache. Mais, à les en croire, il ne causerait pas une joie moindre à Va-d’l’avant et à Coupe-à-cœur.

La veille du départ, le marchef, en présence du brigadier, eut, avec les deux inséparables, une conversation qui ne devait laisser aucune hésitation à cet égard.

« Eh bien, mon vieux Va-d’l’avant, dit Nicol en tapotant de la main le cou du cheval, nous allons donc nous remettre en campagne ?… »

Il est probable que Va-d’l’avant comprit ce que lui disait son maître, car il poussa un joyeux hennissement.