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LA BANDE KONGRE.

début de cette histoire, la situation fut brusquement modifiée.

Au commencement d’octobre 1858, un steamer, battant pavillon argentin, parut en vue de l’île et manœuvra de manière à donner dans la baie d’Elgor.

Kongre et ses compagnons eurent bientôt reconnu un navire de guerre, contre lequel ils ne pourraient rien tenter. Après avoir fait disparaître toute trace de leur présence et dissimulé l’orifice des deux cavernes, ils se retirèrent à l’intérieur de l’île, pour attendre le départ du bâtiment.

C’était le Santa-Fé, qui venait de Buenos-Ayres, ayant à bord un ingénieur chargé de la construction d’un phare sur l’Île des États, et qui venait en déterminer l’emplacement.

L’aviso ne resta que quelques jours à la baie d’Elgor, et il en repartit sans avoir découvert la retraite de Kongre et des siens.

Cependant, Carcante, qui s’était glissé la nuit jusqu’à la crique, avait pu apprendre pour quel motif le Santa-Fé était venu relâcher à l’Île des États. Un phare allait être construit au fond de la baie d’Elgor !… La bande n’avait plus qu’à quitter la place, semblait-il, et, assurément, c’est bien ce qui aurait été fait, si cela eût été possible.

Kongre prit donc le seul parti à prendre. Il connaissait déjà la partie ouest de l’île aux environs du cap Saint-Barthélemy, où d’autres cavernes pourraient lui assurer refuge. Sans perdre un jour, l’aviso ne devant pas tarder à revenir avec une équipe d’ouvriers pour commencer les travaux, il s’occupa d’y transporter tout ce qui serait nécessaire en vue d’y vivre une année, ayant toute raison de croire que, à cette distance du cap Saint-Jean, il ne courait aucun risque d’être découvert. Toutefois le temps lui eût manqué pour vider les deux cavernes. Il dut se borner à retirer la majeure partie des provisions, conserves, boissons, literie, vêtements, et aussi quelques-uns des objets précieux, puis, les orifices soigneusement obstrués de pierres et d’herbes sèches, le reste fut laissé à la garde du diable.