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LA GOËLETTE MAULE.

tarderait pas à envahir la cale, et la Maule ne se redresserait même pas.

Mais peu à peu les esprits se rassurèrent. Le flot gagnait. À chaque instant la coque immergeait davantage. L’eau s’élevait le long des flancs sans pénétrer à l’intérieur. Quelques secousses indiquaient que la coque était intacte, et le pont reprenait son horizontalité normale.

« Pas de voie d’eau !… pas de voie d’eau ! s’écria Carcante.

— Attention au cabestan ! » commanda Kongre.

Les manivelles étaient prêtes. Les hommes n’attendaient qu’un ordre pour les manœuvrer.

Kongre, penché sur le bossoir, observait le flot qui montait déjà depuis deux heures et demie. L’étrave commençait à s’ébranler, et l’avant de la quille ne touchait plus. Mais l’étambot était encore enfoncé dans le sable, et le gouvernail ne jouait pas librement. Il s’en fallait d’une demi-heure sans doute pour que l’arrière fût dégagé.

Kongre voulut alors presser l’opération du renflouage, et, tout en restant à l’avant, il cria :

« Virez. »

Les manivelles, vigoureusement tournées, ne purent que tendre la chaîne, et l’étrave ne se rabattit pas du côté du large.

« Tiens bon ! » s’écria Kongre.

On pouvait craindre, en effet, que l’ancre ne vînt à déraper, et il eût été difficile de la mouiller de nouveau.

La goélette était complètement redressée alors, et, en parcourant la cale, Carcante s’assura que l’eau n’y avait point pénétré. Donc, s’il existait quelque avarie, du moins le bordé ne s’était-il pas disjoint. On pouvait espérer que la Maule n’avait souffert ni au moment de l’échouage, ni pendant la douzaine d’heures passées sur le banc de sable. Dans ces conditions, sa relâche à la crique des Pingouins ne serait pas de longue durée.

On la chargerait dans l’après-midi, et, dès le lendemain, elle