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Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/336

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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

ou à déraper ! Il faudrait alors attendre la marée du soir pour mouiller à nouveau cette ancre, pour y joindre la seconde. Or, d’ici vingt-quatre heures, savait-on ce qui arriverait et si les conditions atmosphériques seraient aussi favorables ?…

Et, précisément, quelques nuages, assez épais, se formèrent dans le nord-est. Il est vrai, s’ils se tenaient de ce côté, la situation du navire ne serait pas empirée, le banc de sable ayant l’abri des hautes falaises du littoral. Mais la mer ne deviendrait-elle pas dure, et la houle n’achèverait-elle pas ce que l’échouage avait commencé pendant la nuit précédente ?…

Et puis ces vents au nord-est, même à l’état de petite brise, ne seraient pas de nature à favoriser la navigation dans le détroit. Au lieu de filer avec du largue dans les voiles, la Maule serait forcée de bouliner peut-être pendant plusieurs jours, et, quand il s’agit de navigation, les conséquences d’un retard peuvent toujours être graves.

La mer était presque étale alors, et, dans quelques minutes, le jusant se ferait sentir. Tout le banc de sable était couvert. Quelques têtes de récifs seulement se montraient à fleur d’eau. Du cap Saint-Barthélemy, la pointe ne se laissait plus voir, et, sur la grève, le dernier relais de marée, après avoir été un instant touché par le flot, restait à sec.

Il était évident que la mer commençait à se retirer lentement et que les roches allaient bientôt découvrir autour du banc.

Alors de nouveaux jurons furent proférés. Les hommes éreintés, hors d’haleine, allaient abandonner une besogne qui ne pouvait plus aboutir.

Kongre courut à eux, les yeux en fureur, écumant de colère. Saisissant une hache, il menaça d’en frapper le premier qui déserterait son poste, et on savait bien qu’il n’hésiterait pas à le faire.

Tous se remirent donc aux manivelles, et, sous leurs efforts,