Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
70
LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

la Maule. Est-ce que la goélette allait être hors d’usage ?… Est-ce qu’ils ne pourraient pas enfin abandonner l’Île des États ?…

Kongre intervint en disant :

« L’avarie est grave en effet… Dans son état actuel, nous n’aurions pas à compter sur la Maule, qui, par gros temps, risquerait de s’entr’ouvrir… Et il y a des centaines de milles à parcourir avant d’atteindre les îles du Pacifique !… Ce serait risquer de sombrer en route. Mais cette avarie est réparable, et nous la réparerons.

— Où ? demanda un des Chiliens qui ne cachait point son inquiétude.

— Pas ici, en tout cas, déclara un de ses compagnons.

— Non, répondit Kongre d’un ton résolu. À la baie d’Elgor. »

En quarante-huit heures, la goélette pouvait, en effet, franchir la distance qui la séparait de la baie. Elle n’aurait qu’à longer le littoral de l’île, soit par le sud, soit par le nord. Dans la caverne où avait été laissé tout ce qui provenait du pillage des épaves, le charpentier aurait à sa disposition le bois et les outils que nécessiterait cette réparation. Fallût-il rester en relâche quinze jours, trois semaines, la Maule y resterait. La belle saison devait encore durer deux mois et, du moins, lorsque Kongre et ses compagnons abandonneraient l’Île des États, ce serait à bord d’un navire qui, ses avaries réparées à fond, offrirait toute sécurité.

Au surplus, Kongre avait toujours eu l’intention, en quittant le cap Saint-Barthélemy, de passer quelque temps à la baie d’Elgor. À aucun prix il n’eût voulu perdre les objets de toutes sortes, laissés dans la caverne, lorsque les travaux du phare obligèrent la bande à se réfugier sur l’autre extrémité de l’île. Ainsi, ses projets ne seraient modifiés que quant à la durée de la relâche, qui se prolongerait au delà de ce qu’il eût désiré.

La confiance revint donc, et l’on fit les préparatifs de manière à pouvoir partir au plein de la marée du lendemain.