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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

pût les résoudre. Il ne pensait même pas au danger qu’il courait personnellement. Et cependant, ces malfaiteurs ne tarderaient pas à constater que le logement devait être occupé par trois gardiens… Ils se mettraient alors à la recherche du troisième ?… Ne finiraient-ils point par le découvrir ?…

De l’endroit où il avait pris refuge sur la rive de la baie, à moins de deux cents pas de la crique, Vasquez voyait se mouvoir la lumière des fanaux, tantôt à bord de la goélette, tantôt dans l’enceinte du phare ou à travers les fenêtres du logement. Il entendait même ces gens s’interpeller à haute voix, et dans sa propre langue. Étaient-ce donc des compatriotes, ou des Chiliens, des Péruviens, des Boliviens, des Mexicains, qui tous parlent l’espagnol, ou encore des Brésiliens ?

Enfin, vers dix heures, les lumières s’éteignirent, et aucun bruit ne troubla plus le silence de la nuit.

Cependant, Vasquez ne pouvait demeurer à cette place. Le jour venu, il y serait découvert. Aucune pitié n’étant à espérer de ces bandits, il lui fallait se mettre hors de leurs atteintes.

De quel côté dirigerait-il ses pas ?… Vers l’intérieur de l’île, où il serait relativement plus en sûreté ? Gagnerait-il au contraire l’entrée de la baie, dans l’espoir d’être recueilli par quelque bâtiment passant en vue de la terre ? Mais, soit à l’intérieur, soit sur le littoral, comment assurer son existence jusqu’au jour où viendrait la relève ? Ses provisions s’épuiseraient vite. Avant quarante-huit heures il n’en resterait plus rien. Comment les renouveler ? Il ne possédait pas même un engin de pêche ! Et se procurer du feu, par quel moyen ? En serait-il réduit à vivre de mollusques ou de coquillages ?

Son énergie finit par l’emporter. Il fallait prendre un parti, et il le prit. Ce fut de gagner le littoral du cap San Juan pour y passer la nuit. Lorsqu’il ferait jour, il aviserait.

Vasquez quitta donc la place d’où il observait la goélette. Il ne s’en dégageait plus ni un bruit ni une lueur. Ces malfaiteurs se