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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

tant, à cette heure du plein de la mer, la houle y déferlait encore avec fureur, lorsque, arrivé aux récifs, Vasquez aperçut dans un creux de roche une des petites bouches à feu qui avait roulé jusque-là, avec son affût, après l’échouage du Century.

« Voici qui vous appartient, dit-il à John Davis, ainsi que ces quelques boulets que les lames ont jetés là. »

Et, comme la première fois, John Davis de répéter :

« Nous n’en avons que faire !…

— Qui sait ? répliqua Vasquez. Puisque nous avons de quoi charger cette caronade, l’occasion se présentera peut-être de s’en servir…

— J’en doute, répondit son compagnon.

— Pourquoi pas, Davis ? Puisque le phare n’est plus allumé, la nuit, s’il se présentait un navire, dans les conditions où est venu le Century, ne pourrions-nous signaler la côte à coups de canon ? »

John Davis regardait son compagnon avec une singulière fixité. Il semblait qu’une pensée toute différente lui traversait l’esprit. Il se borna à répondre :

« C’est là l’idée qui vous est venue, Vasquez ?…

— Oui, Davis, je ne pense pas qu’elle soit mauvaise. Certes, les détonations seraient entendues au fond de la baie… Elles révéleraient notre présence sur cette partie de l’île… Les bandits se mettraient à notre recherche… Ils nous découvriraient peut-être… et cela nous coûterait la vie !… Mais combien de vies aurions-nous sauvées en échange des nôtres, et enfin nous aurions fait notre devoir !

— Il existe peut-être une autre manière de faire notre devoir ! » murmura John Davis, sans s’expliquer davantage. Cependant, il ne fit plus d’objections, et, conformément à l’avis de Vasquez, la caronade fut traînée jusqu’à la grotte ; puis, on y transporta l’affût, les boulets et la caisse de poudre. Ce travail fut très pénible et exigea un temps très long. Lorsque Vasquez et John Davis rentrèrent pour déjeuner, la hauteur du soleil au-dessus