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Page:Verne - L’Invasion de la mer - Le Phare du bout du monde, Hetzel, 1905.djvu/425

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AU SORTIR DE LA BAIE.

« Le brouillard commence à se lever et nous allons avoir la vue du large. Avec ces brumailles-là, le vent calmit d’ordinaire, et la mer tombe plus rapidement.

— Je crois que nous sortirons enfin cette fois, répondit Kongre, et que rien ne gênera notre navigation jusqu’au détroit…

— Et au delà, j’espère, acheva Carcante. La nuit sera obscure cependant, Kongre. Nous sommes à peine au premier quartier de la lune, et le croissant va disparaître presque en même temps que le soleil…

— Peu importe, Carcante, et je n’ai besoin ni de lune ni d’étoiles pour longer l’île !… Je connais toute la côte nord et je compte doubler les îlots de New-Year et le cap Colnett à bonne distance pour parer leurs roches !…

— Demain nous serons loin, Kongre, avec ce vent de nord-est, et du largue dans nos voiles.

— Demain, nous aurons perdu de vue le cap Saint-Barthélemy, et j’espère bien que, le soir venu, l’Île des États nous restera à une vingtaine de milles par notre arrière.

— Ce ne sera pas trop tôt, Kongre, depuis le temps que nous y sommes.

— Est-ce que tu le regrettes, Carcante ?…

— Non, maintenant que c’est fini, et puisque nous y aurons fait fortune, comme on dit, et qu’un bon navire va nous emporter avec nos richesses !… Mais, mille diables, j’ai bien cru que tout était perdu, quand la Maule… non, le Carcante, est entré dans la baie avec une voie d’eau ! Si nous n’avions pu réparer les avaries, qui sait combien de temps encore il aurait fallu séjourner dans l’île. À l’arrivée de l’aviso, nous aurions été obligés de retourner au cap Saint-Barthélemy… Et j’en ai assez, moi, du cap Saint-Barthélemy !

— Oui, répondit Kongre, dont la farouche figure s’obscurcissait, et même la situation eût été bien autrement grave !… En voyant le phare sans gardiens, le commandant du Santa-Fé au-