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LE PHARE DU BOUT DU MONDE.

avoir de fâcheuses conséquences, et il n’était que temps de parer cette épave.

Kongre mit donc légèrement la barre à bâbord. La goélette arriva d’un quart, et passa le long de cette quille, qui frôla seulement sa carène.

La manœuvre eut pour résultat de rapprocher un peu de la rive nord le Carcante, qui fut aussitôt remis en direction. Encore une vingtaine de toises, et l’on aurait dépassé l’angle de la falaise, Kongre pouvait lâcher la barre et donner la route au nord.

À ce moment précis, un sifflement aigu déchira l’air, et un choc fit tressaillir la coque de la goélette, immédiatement suivi par une violente détonation.

En même temps, une fumée blanchâtre, que le vent repoussa vers l’intérieur de la baie, s’éleva du littoral.

« Qu’est cela ? s’écria Kongre.

— On a tiré sur nous, répondit Carcante.

— Prends la barre ! » ordonna Kongre.

Se précipitant à bâbord, il regarda par-dessus le bastingage, et aperçut un trou dans la coque, un demi-pied plus haut que la ligne de flottaison.

Tout l’équipage s’était instantanément porté de ce côté à l’avant de la goélette.

Une attaque venant de cette partie du littoral !… Un boulet que le Carcante, au moment de sortir, recevait dans son flanc, et qui, s’il l’eût atteint plus bas, l’aurait indubitablement coulé !… On en conviendra, s’il y avait de quoi être effrayé d’une telle agression, on devait à bon droit en être également surpris.

Que pouvaient faire Kongre et ses compagnons ?… Larguer les saisines du canot, s’y embarquer, s’élancer sur la rive à l’endroit où s’était élevée la fumée, s’emparer de ceux qui avaient envoyé ce projectile, les massacrer ou tout au moins les déloger de cette place ?… Mais savait-on si ces agresseurs n’auraient pas pour eux la supériorité du nombre, et le mieux n’était-il pas de s’éloigner