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L’AVISO SANTA-FÉ.

feu, bien qu’il eût très probablement connaissance de l’île, le commandant Lafayate n’hésiterait-il pas à continuer sa route ?… Ne pouvant s’expliquer cette extinction, ne resterait-il pas toute la nuit à croiser au large ?… Dix fois déjà, à vrai dire, il était entré dans la baie d’Elgor, mais de jour seulement, et, n’ayant plus le phare pour lui donner la route, il ne se hasarderait certainement pas à travers cette sombre baie. D’ailleurs, il devrait penser que l’île avait été le théâtre d’événements graves, puisque les gardiens n’étaient pas à leur poste.

« Mais, dit alors Vasquez, si le commandant n’a pas vu la terre, et s’il continue à marcher dans l’espérance d’apercevoir le feu, ne peut-il lui arriver ce qui est arrivé au Century ? Ne peut-il venir se perdre sur les récifs du cap San Juan ? »

John Davis ne répondit que par un geste évasif. Il n’était que trop vrai, l’éventualité dont parlait Vasquez pouvait se produire. Sans doute le vent ne soufflait pas en tempête et le Santa-Fé ne se trouvait pas dans la situation du Century. Mais, enfin, une catastrophe était possible, à la rigueur.

« Courons au littoral, reprit Vasquez. En deux heures, nous atteindrons le cap. Peut-être sera-t-il temps encore d’allumer un feu pour signaler la terre.

— Non, répondit John Davis, il serait trop tard. Avant une heure peut-être l’aviso se montrera à l’ouvert de la baie.

— Que faire alors ?

— Attendre ! » répondit John Davis.

Il était plus de six heures, et le crépuscule commençait à envelopper l’île.

Cependant les préparatifs de départ étaient conduits avec la plus grande activité à bord du Carcante. Kongre voulait appareiller à tout prix. Dévoré d’inquiétude, il avait résolu de quitter immédiatement son mouillage. S’il ne le faisait qu’à la marée du matin, il s’exposait à rencontrer l’aviso. En voyant sortir ce navire, le commandant Lafayate ne le laisserait pas passer.