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LA CHASSE AU MÉTÉORE

astronomes amateurs, unis dans une cordiale collaboration, ne poursuivraient pas de concert leurs recherches astronomiques ? Ils se partageraient alors équitablement le gibier découvert, sinon abattu, sur ces vastes champs de l’espace.

La maison du docteur Hudelson était des plus confortables. Une mieux tenue, on l’aurait vainement cherchée dans tout Whaston. Ce joli hôtel entre cour et jardin, avec de beaux arbres et des pelouses verdoyantes, occupait le milieu de Moriss street. Il se composait d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage avec sept fenêtres de façade. La toiture était dominée, à gauche, par une sorte de donjon carré, haut d’une trentaine de mètres, terminé par une terrasse à balustres. À l’un des angles, se dressait le mât auquel, le dimanche et les jours fériés, on hissait le pavillon aux cinquante et une étoiles des États-Unis d’Amérique.

La chambre supérieure de ce donjon avait été disposée pour les travaux spéciaux de son propriétaire. C’est là que fonctionnaient les instruments du docteur, lunettes et télescopes, à moins que, pendant les belles nuits, il ne les transportât sur la terrasse, d’où ses regards pouvaient librement parcourir le dôme céleste. C’est là que le docteur, en dépit des recommandations de Mrs Hudelson, attrapait ses coryzas les plus carabinés, ses grippes les mieux réussies :

« Au point, répétait volontiers miss Loo, que papa finira par enrhumer ses planètes ! »

Mais le docteur n’écoutait rien, et bravait parfois les sept ou huit degrés centigrades au-dessous de zéro des grandes gelées d’hiver, alors que le firmament apparaît dans toute sa pureté.

De l’observatoire de la maison de Moriss street, on distinguait sans peine la tour de la maison d’Elisabeth street. Un demi-mille tout au plus les séparait, et, entre elles, aucun monument ne s’élevait, aucun arbre n’interposait ses ramures.

Sans même recourir au télescope à longue portée, on reconnaissait très aisément, avec une bonne jumelle, les personnes qui se tenaient sur la tour ou sur le donjon. Assurément, Dean Forsyth avait autre chose à faire que de regarder Sydney Hudelson, et Sydney Hudelson n’eût pas voulu perdre son temps à regarder Dean Forsyth. Leurs observations visaient plus haut, beaucoup plus haut. Mais il était naturel que Francis Gordon