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UN CAPITAINE DES BOIS.

admises et appliquées. Il semble, cependant, que ce soit un droit, le premier des droits naturels pour l’homme, que celui d’être libre, de s’appartenir, et, pourtant, des milliers d’années s’étaient écoulées avant que la généreuse pensée vint à quelques nations d’oser le proclamer.

En 1852, — année dans laquelle va se dérouler cette histoire, — il y avait encore des esclaves au Brésil, et conséquemment, des capitaines des bois pour leur donner la chasse. Certaines raisons d’économie politique avaient retardé l’heure de l’émancipation générale ; mais, déjà, le noir avait le droit de se racheter, déjà les enfants qui naissaient de lui naissaient libres. Le jour n’était donc plus éloigné où ce magnifique pays, dans lequel tiendraient les trois quarts de l’Europe, ne compterait plus un seul esclave parmi ses dix millions d’habitants.

En réalité, la fonction de capitaine des bois était destinée à disparaître dans un temps prochain, et, à cette époque, les bénéfices produits par la capture des fugitifs étaient sensiblement diminués. Or, si, pendant la longue période où les profits du métier furent assez rémunérateurs, les capitaines des bois formaient un monde d’aventuriers, le plus ordinairement composé d’affranchis, de déserteurs, qui méritaient peu d’estime, il va de soi qu’à l’heure