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Page:Verne - La Jangada, 1881, t1.djvu/163

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DE PEVAS À LA FRONTIÈRE.

Les oiseaux donnaient leurs dernières notes du soir : « bentivis », qui suspendent leurs nids aux roseaux des rives ; « niambus », sorte de perdrix, dont le chant se compose des quatre notes de l’accord parfait et que répétaient des imitateurs de la gent volatile ; « kamichis », à la mélopée si plaintive ; martins-pêcheurs, dont le cri répond, comme un signal, aux derniers cris de leurs congénères ; « canindés », au clairon sonore, et aras rouges, qui reployaient leurs ailes dans le feuillage des « jaquetibas », dont la nuit venait d’éteindre les splendides couleurs.

Sur la jangada, tout le personnel était à son poste, dans l’attitude du repos. Seul, le pilote, debout à l’avant, laissait voir sa haute stature, à peine dessinée dans les premières ombres. La bordée de quart, sa longue gaffe sur l’épaule, rappelait un campement de cavaliers tartares. Le pavillon brésilien pendait au bout de sa hampe, à l’avant du train, et la brise n’avait déjà plus la force d’en soulever l’étamine.

À huit heures, les trois premiers tintements de l’Angelus s’envolèrent du clocher de la petite chapelle. Les trois tintements du deuxième et du troisième verset sonnèrent à leur tour, et la salutation s’acheva dans la série des coups plus précipités de la petite cloche.