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LA JANGADA

ques heures avant l’exécution, j’ai fui ! Oui ! j’étais jeune alors, j’avais toute une vie devant moi pour combattre l’injustice des hommes ! Mais me sauver maintenant, recommencer cette misérable existence d’un coupable qui se cache sous un faux nom, dont tous les efforts sont employés à dépister les poursuites de la police ; reprendre cette vie d’anxiété que j’ai menée depuis vingt-trois ans, en vous obligeant à la partager avec moi ; attendre chaque jour une dénonciation qui arriverait tôt ou tard, et une demande d’extradition qui viendrait m’atteindre jusqu’en pays étranger ! est-ce que ce serait vivre ! Non ! jamais !

— Mon père, reprit Benito, dont la tête menaçait de s’égarer devant cette obstination, vous fuirez ! Je le veux !… »

Et il avait saisi Joam Dacosta, et il cherchait, par force, à l’entraîner vers la fenêtre.

« Non !… non !…

— Vous voulez donc me rendre fou !

— Mon fils, s’écria Joam Dacosta, laisse-moi !… Une fois déjà, je me suis échappé de la prison de Villa-Rica, et l’on a dû croire que je fuyais une condamnation justement méritée ! Oui ! on a dû le croire ! Eh bien, pour l’honneur du nom que vous portez, je ne recommencerai pas ! »