Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

208
LA JANGADA

par ceux qui l’avaient aidé à commettre le crime. Resté sans ressources, ne pouvant plus rentrer à Tijuco, Ortega s’enfuit dans les provinces du nord du Brésil, vers ces districts du Haut-Amazone où se trouvait la milice des « capitaës do mato ». Il fallait vivre. Ortega se fit admettre dans cette peu honorable troupe. Là, on ne demandait ni qui on était, ni d’où l’on venait. Ortega se fit donc capitaine des bois, et, pendant de longues années, il exerça ce métier de chasseur d’hommes.

Sur ces entrefaites, Torrès, l’aventurier, dépourvu de tout moyen d’existence, devint son compagnon. Ortega et lui se lièrent intimement. Mais, ainsi que l’avait dit Torrès, le remords vint peu à peu troubler la vie du misérable. Le souvenir de son crime lui fit horreur. Il savait qu’un autre avait été condamné à sa place ! Il savait que cet autre, c’était son collègue Joam Dacosta ! Il savait enfin que, si cet innocent avait pu échapper au dernier supplice, il ne cessait pas d’être sous le coup d’une condamnation capitale !

Or, le hasard fit que, pendant une expédition de la milice, entreprise, il y avait quelques mois, au delà de la frontière péruvienne, Ortega arriva aux environs d’Iquitos, et que là, dans Joam Garral, qui ne le reconnut pas, il retrouva Joam Dacosta.