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LA JANGADA

cette preuve, il l’eût à l’instant désarmé. Mais, outre qu’il voulait attendre au dernier moment, sans doute afin de tirer un meilleur prix de ce document, le souvenir des insultantes paroles du jeune homme, la haine qu’il portait à tous les siens, lui fit oublier même son intérêt.

D’ailleurs, très accoutumé au maniement de la manchetta, dont il avait souvent eu l’occasion de se servir, l’aventurier était robuste, souple, adroit. Donc, contre un adversaire, âgé de vingt ans à peine, qui ne pouvait avoir ni sa force ni son adresse, les chances étaient pour lui.

Aussi Manoel, dans un dernier effort, voulut-il insister pour se battre à la place de Benito.

« Non, Manoel, répondit froidement le jeune homme, c’est à moi seul de venger mon père, et, comme il faut que tout ici se passe dans les règles, tu seras mon témoin.

— Benito !…

— Quant à vous, Fragoso, vous ne me refuserez pas si je vous prie de servir de témoin à cet homme ?

— Soit, répondit Fragoso, quoiqu’il n’y ait aucun honneur à cela ! — Moi, sans tant de cérémonies, ajouta-t-il, je l’aurais tout bonnement tué comme une bête fauve ! »

L’endroit où le combat allait avoir lieu était une