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RÉSOLUTIONS.

Torrès de l’autre, c’était là un double coup dont il ne pourrait se relever !

Il convient de dire ici que l’opinion publique à Manao, injustement passionnée comme toujours, était toute contre le prisonnier. L’arrestation si inattendue de Joam Dacosta remettait en mémoire cet horrible attentat de Tijuco, oublié depuis vingt-trois ans. Le procès du jeune employé des mines de l’arrayal diamantin, sa condamnation à la peine capitale, son évasion, quelques heures avant le supplice, tout fut donc repris, fouillé, commenté. Un article, qui venait de paraître dans l’O Diario d’o Grand Para, le plus répandu des journaux de cette région, après avoir relaté toutes les circonstances du crime, était manifestement hostile au prisonnier. Pourquoi aurait-on cru à l’innocence de Joam Dacosta, lorsqu’on ignorait tout ce que savaient les siens, — ce qu’ils étaient seuls à savoir !

Aussi la population de Manao fut-elle instantanément surexcitée. La tourbe des Indiens et des noirs, aveuglée follement, ne tarda pas à affluer autour de la prison, en poussant des cris de mort. Dans ce pays des deux Amériques, dont l’une voit trop souvent s’appliquer les odieuses exécutions de la loi de Lynch, la foule a vite fait de se livrer à ses instincts cruels, et l’on pouvait craindre qu’en cette occasion