Page:Verne - La Jangada, 1881, t2.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

91
UN COUP DE CANON.

à l’aplomb de la berge, qui était très accore à l’endroit même où Torrès avait disparu.

Là se massait un inextricable lacis de roseaux, de souches et de plantes aquatiques, et certainement, pendant les recherches de la veille, aucune des gaffes n’avait pu en fouiller tout entrelacement. Il était donc possible que le corps, retenu dans ces broussailles sous-marines, fût encore à la place même où il était tombé.

En cet endroit, grâce au remous produit par l’allongement d’une des pointes de la rive, le courant était absolument nul. Benito obéissait donc uniquement aux mouvements du radeau que les gaffes des Indiens déplaçaient au-dessus de sa tête.

La lumière pénétrait assez profondément alors ces eaux claires, sur lesquelles un magnifique soleil, éclatant dans un ciel sans nuages, dardait presque normalement ses rayons. Dans les conditions ordinaires de visibilité sous une couche liquide, une profondeur de vingt pieds suffit pour que la vue soit extrêmement bornée ; mais ici les eaux semblaient être comme imprégnées du fluide lumineux, et Benito pouvait descendre plus bas encore, sans que les ténèbres lui dérobassent le fond du fleuve.

Le jeune homme suivit doucement la berge. Son bâton ferré en fouillait les herbes et les détritus