— Eh ! je crains… que ces fanatiques ne barrent le passage et ne gênent notre marche !
— En tout cas, sois prudent ! Avec de tels dévots, on ne saurait trop prendre de précautions.
— En effet, » répondit Banks.
Puis, appelant le chauffeur :
« Kâlouth, demanda-t-il, les feux sont-ils prêts ?
— Oui, monsieur.
— Eh bien, allume.
— Oui, allume, Kâlouth ! s’écria le capitaine Hod. Chauffe, Kâlouth, et que notre éléphant crache à la figure de tous ces pèlerins, son haleine de fumée et de vapeur ! »
Il était alors trois heures et demie du matin. Il ne fallait qu’une demi-heure, au plus, pour que la machine fût en pression. Les feux furent aussitôt allumés, le bois pétilla dans le foyer, et une fumée noire s’échappa de la gigantesque trompe de l’éléphant, dont l’extrémité se perdait dans les branches des grands arbres.
En ce moment, quelques groupes d’Indous se rapprochèrent. Il se fit un mouvement général dans la foule. Notre train fut serré de plus près. Aux premiers rangs de ces pèlerins, on levait les bras en l’air, on les étendait vers l’éléphant, on se courbait, on s’agenouillait, on se prosternait jusque dans la poussière. C’était évidemment de l’adoration, portée au plus haut point.
Nous étions donc là, sous la vérandah, le colonel Munro, le capitaine Hod et moi, assez inquiets de savoir où s’arrêterait ce fanatisme. Mac Neil nous avait rejoints et regardait silencieusement. Quant à Banks, il était allé prendre place avec Storr dans la tourelle que portait l’énorme animal, et d’où il pouvait le manœuvrer à son gré.
À quatre heures, la chaudière ronflait déjà. Ce ronflement sonore devait être pris par les Indous pour le grondement irrité d’un éléphant d’un ordre surnaturel. En ce moment, le manomètre indiquait une pression de cinq atmosphères, et Storr laissait fuir la vapeur par les soupapes, comme si elle eût transpiré à travers la peau du gigantesque pachyderme.
« Nous sommes en pression, Munro ! cria Banks.
— Va, Banks, répondit le colonel, mais va prudemment et n’écrasons personne ! » Il faisait presque jour alors. La route qui longe la rive du Phalgou était