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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/148

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la maison à vapeur.

promettait pour le lendemain un trajet plus facile sous de hauts et larges dômes de verdure.

Les banians, ces géants de la flore indoue, sont de véritables grands-pères, on pourrait dire des chefs de famille végétale, qu’entourent leurs enfants et petits-enfants. Ceux-ci, s’élançant d’une racine commune, montent droit autour du tronc principal, dont ils sont complètement dégagés, et vont se perdre dans la haute ramure paternelle. Ils ont vraiment l’air d’être couvés sous cet épais feuillage, comme les poussins sous les ailes de leur mère. De là le curieux aspect que présentent ces forêts plusieurs fois séculaires. Les vieux arbres ressemblent à des piliers isolés, supportant l’immense voûte, dont les fines nervures s’appuient sur de jeunes banians, qui deviendront piliers à leur tour.

Ce soir-là, le campement fut organisé plus complètement qu’à l’ordinaire. En effet, si la journée du lendemain devait être aussi chaude que celle-ci l’avait été, Banks se proposait de prolonger la halte, quitte à voyager pendant la nuit.

Le colonel Munro ne demandait pas mieux que de passer quelques heures dans cette belle forêt, si ombreuse, si calme. Tous s’étaient rangés à son avis, les uns parce qu’ils avaient véritablement besoin de repos, les autres parce qu’ils voulaient essayer de rencontrer enfin quelque animal, digne du coup de fusil d’un Anderson ou d’un Gérard. On devine quels étaient ces derniers.

« Fox, Goûmi, il n’est que sept heures ! cria le capitaine Hod, Un tour dans la forêt, avant que la nuit ne soit tout à fait venue ! — Nous accompagnerez-vous, Maucler ?

— Mon cher Hod, dit Banks, avant que je n’eusse pu répondre, vous feriez mieux de ne pas vous éloigner du campement. Les menaces du ciel sont sérieuses. Que l’orage se déchaîne, vous aurez peut-être quelque peine à nous rejoindre. Demain, si nous restons à notre lieu de halte, vous irez…

— Demain, il fera jour, répondit le capitaine Hod, et l’heure est propice pour tenter l’aventure !

— Je le sais, Hod, mais la nuit qui se prépare n’est vraiment pas rassurante. En tout cas, si vous tenez absolument à partir, ne vous éloignez pas. Dans une heure il fera déjà très noir, et vous pourriez être fort embarrassés pour retrouver le campement.