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la maison à vapeur.

Nana Sahib et son frère n’auraient pu trouver un plus sûr asile.

Mais il ne suffisait pas à Balao Rao de savoir ce qu’était actuellement le pâl de Tandît, il voulait apprendre ce qu’il avait été, et, pendant que le nabab visitait l’intérieur du fortin, il continua d’interroger le Gound.

« Quelques questions encore, lui dit-il. Depuis combien de temps ce pâl est-il abandonné ?

— Depuis plus d’un an, répondit le Gound.

— Qui l’habitait ?

— Une famille de nomades, qui n’y est restée que quelques mois.

— Pourquoi l’ont-ils quitté ?

— Parce que le sol, destiné à les nourrir, ne pouvait plus leur assurer la nourriture.

— Et depuis leur départ, personne, à ta connaissance, n’y a cherché refuge ?

— Personne.

— Jamais un soldat de l’armée royale, jamais un agent de la police n’a mis le pied dans l’enceinte de ce pâl ?

— Jamais.

— Aucun étranger ne l’a visité ?

— Aucun… répondit le Gound, si ce n’est une femme.

— Une femme ? répliqua vivement Balao Rao.

— Oui, une femme, qui, depuis trois ans environ, erre dans la vallée de la Nerbudda.

— Quelle est cette femme ?

— Ce qu’elle est, je l’ignore, répondit le Gound. D’où elle vient, je ne puis le dire, et, dans toute la vallée, personne n’en sait plus que moi sur son compte ! Est-ce une étrangère, est-ce une Indoue, on n’a jamais pu le savoir ! »

Balao Rao réfléchit un instant ; puis, reprenant :

« Que fait cette femme ? demanda-t-il.

— Elle va, elle vient, répondit le Gound. Elle vit uniquement d’aumônes. On a pour elle, dans toute la vallée, une sorte de vénération superstitieuse. Plusieurs fois, je l’ai reçue dans mon propre pâl. Elle ne parle jamais. On pourrait croire qu’elle est muette, et je ne serais pas étonné qu’elle le fût. La nuit, on la voit se promener, tenant à la main une branche résineuse allumée. Aussi, ne la connaît-on que sous le nom de la « Flamme Errante ! »