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Page:Verne - La Maison à vapeur, Hetzel, 1902.djvu/244

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la maison à vapeur.

détrempe, suspendues au-dessus des tréteaux, et représentant avec des couleurs violentes un dompteur en maillot rose et en frac de velours, au milieu d’une horde bondissante de ces fauves, qui, la gueule sanglante, les griffes ouvertes, se courbent sous le fouet d’un Bidel ou d’un Pezon héroïque ! Il est vrai, le public n’était pas là pour envahir la loge.

À quelques pas étaient groupés les buffles domestiques. Ils occupaient, à droite, une portion latérale du kraal, dans laquelle on leur apportait quotidiennement leur ration d’herbe fraîche. Il eût été impossible de laisser ces animaux errer dans les pâturages voisins. Ainsi que le dit élégamment Mathias Van Guitt, « cette liberté de pacage, permise dans les contrées du Royaume-Uni, est incompatible avec les dangers que présentent les forêts himalayennes. »

La ménagerie proprement dite comprenait six cages, montées sur quatre roues. Chaque cage, grillagée à sa face antérieure, était divisée en trois compartiments. Des portes, ou plutôt des cloisons, mobiles de bas en haut, permettaient de repousser les animaux d’un compartiment dans l’autre pour les besoins du service. Ces cages contenaient alors sept tigres, deux lions, trois panthères et deux léopards.

Mathias Van Guitt nous apprit que son stock ne serait complété que lorsqu’il aurait encore capturé deux léopards, trois tigres et un lion. Alors, il quitterait le campement, gagnerait la station du railway la plus rapprochée, et prendrait la direction de Bombay.

Les fauves, que l’on pouvait facilement observer dans leurs cages, étaient magnifiques, mais particulièrement féroces. Ils avaient été trop récemment pris pour être déjà faits à cet état de séquestration. Cela se reconnaissait à leurs rugissements effroyables, à leurs brusques allées et venues d’une cloison à l’autre, aux violents coups de patte qu’ils allongeaient à travers les barreaux, faussés en maint endroit.

À notre arrivée devant les cages, ces violences redoublèrent encore, sans que Mathias Van Guitt parût s’en émouvoir.

« Pauvres bêtes ! dit le capitaine Hod.

— Pauvres bêtes ! répéta Fox.

— Croyez-vous donc qu’elles soient plus à plaindre que celles que vous tuez ? demanda le fournisseur d’un ton assez sec.

— Moins à plaindre qu’à blâmer… de s’être laissé prendre ! » riposta le capitaine Hod.