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une reine du tarryani.

loin à Nana Sahib, cette réponse était bien faite pour l’en détourner. Cependant, en écoutant ces montagnards, il resta songeur et ne prit plus part à la conversation.

Le capitaine Hod, lui, leur posa quelques questions, mais à un tout autre point de vue. Ils lui apprirent que des fauves, plus particulièrement des tigres, faisaient d’effrayants ravages dans la zone inférieure de l’Himalaya. Des fermes et même des villages entiers avaient dû être abandonnés par leurs habitants. Plusieurs troupeaux de chèvres et de moutons étaient déjà détruits, et l’on comptait aussi de nombreuses victimes parmi les indigènes. Malgré la prime considérable offerte au nom du gouvernement, — trois cents roupies par tête de tigre, — le nombre de ces félins ne semblait pas diminuer, et l’on se demandait si l’homme n’en serait pas bientôt réduit à leur céder la place.

Les montagnards ajoutèrent aussi ce renseignement : c’est que les tigres ne se confinaient pas seulement dans le Tarryani. Partout où la plaine leur offrait de hautes herbes, des jungles, des buissons dans lesquels ils pouvaient se mettre à l’affût, on les rencontrait en grand nombre.

« Malfaisantes bêtes ! » dirent-ils.

Ces braves gens, et pour cause, on le voit, ne professaient pas à l’endroit des tigres les mêmes idées que le fournisseur Mathias Van Guitt et notre ami le capitaine Hod.

Les montagnards se retirèrent, enchantés de l’accueil qu’ils avaient reçu, et promirent de renouveler leur visite à Steam-House.

Après leur départ, nos préparatifs étant achevés, le capitaine Hod, nos deux compagnons et moi, bien armés, prêts à toute rencontre, nous descendîmes vers le Tarryani.

En arrivant à la clairière, où se dressait le piège dont nous avions si heureusement extrait Mathias Van Guitt, celui-ci se présenta à nos yeux, non sans quelque cérémonie.

Cinq ou six de ses gens, et, dans le nombre, Kâlagani, étaient occupés à faire passer du piège dans une cage roulante un tigre qui s’était laissé prendre pendant la nuit.

Magnifique animal, en vérité, et s’il fit envie au capitaine Hod, cela va sans dire !

« Un de moins dans le Tarryani ! murmura-t-il entre deux soupirs, qui trouvèrent un écho dans la poitrine de Fox.