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une reine du tarryani.

l’éléphant. La lutte entre l’homme et lui se fait alors sur le dos du gigantesque pachyderme, qui s’emporte, et il est rare qu’elle ne se termine pas à l’avantage du fauve.

C’est ainsi, cependant, que s’accomplissent les grandes chasses des rajahs et des riches sportsmen de l’Inde, dignes de figurer dans les annales cynégétiques.

Mais telle n’était point la manière de procéder du capitaine Hod. C’était à pied qu’il s’en allait à la recherche des tigres, c’était à pied qu’il avait coutume de les combattre.

Cependant, nous suivions Kâlagani, qui marchait d’un bon pas. Réservé comme un Indou, il causait peu et se bornait à répondre brièvement aux questions qui lui étaient posées.

Une heure après, nous faisions halte près d’un ruisseau torrentueux, dont les berges portaient des empreintes d’animaux, fraîches encore. Au milieu d’une petite clairière se dressait un poteau, auquel pendait tout un quartier de bœuf.

L’appât n’avait pas été entièrement respecté. Il venait d’être récemment déchiqueté par la dent des chacals, ces filous de la faune indienne, toujours en quête de quelque proie, cette proie ne leur fût-elle pas destinée. Une douzaine de ces carnassiers s’enfuirent à notre approche et nous laissèrent la place libre.

« Capitaine, dit Kâlagani. c’est ici que nous allons attendre la tigresse. Vous voyez que l’endroit est favorable pour un affût. »

En effet, il était facile de se poster dans les arbres ou derrière les roches, de manière à pouvoir croiser ses feux sur le poteau isolé au milieu de la clairière.

C’est ce qui fut fait immédiatement. Goûmi et moi, nous avions pris place sur la même branche. Le capitaine Hod et Fox, tous deux perchés à la première bifurcation de deux grands chênes verts, se faisaient vis-à-vis.

Kâlagani, lui, s’était à demi caché derrière une haute roche, qu’il pouvait gravir si le danger devenait imminent.

L’animal serait ainsi pris dans un cercle de feux, dont il ne pourrait sortir. Toutes les chances étaient donc contre lui, bien qu’il fallût, pourtant, compter avec l’imprévu.

Nous n’avions plus qu’à attendre.

Les chacals, dispersés çà et là, faisaient toujours entendre leurs rauques