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la maison à vapeur.

nord du Bundelkund, et qui s’est rangé sous la protection de l’Angleterre. Ainsi que Gwalior, Antri et Duttiah avaient été gravement touchées par le mouvement insurrectionnel de 1857.

C’était enfin Jansi, dont nous passions à moins de quarante kilomètres, à la date du 22 septembre. Cette cité forme la plus importante station militaire du Bundelkund, et l’esprit de révolte y est toujours vivace dans le bas peuple. Jansi, ville relativement moderne, fait un important commerce de mousselines indigènes et de cotonnades bleues. Il ne s’y trouve aucun monument antérieur à sa fondation, qui ne date que du XVIIe siècle. Cependant, il est intéressant de visiter sa citadelle, dont les projectiles anglais n’ont pu détruire les murailles extérieures, et sa nécropole des rajahs, d’un aspect extrêmement pittoresque. Mais là fut la principale forteresse des Cipayes révoltés de l’Inde centrale. Là, l’intrépide Rani provoqua le premier soulèvement qui devait bientôt envahir tout le Bundelkund. Là, sir Hugh Rose dut livrer un combat qui ne dura pas moins de six jours, pendant lequel il perdit quinze pour cent de son effectif. Là, malgré leur acharnement, Tantia Topi, Balao Rao, frère de Nana Sahib, la Rani enfin, bien qu’ils fussent aidés d’une garnison de douze mille Cipayes et secourus par une armée de vingt mille, durent céder à la supériorité des armes anglaises ! Là, ainsi que nous l’avait raconté Mac Neil, le colonel Munro avait sauvé la vie de son sergent, en lui faisant aumône de la dernière goutte d’eau qui lui restait. Oui ! Jansi, plus que n’importe quelle autre de ces cités aux funestes souvenirs, devait être écartée d’un itinéraire dont les meilleurs amis du colonel avaient choisi les étapes !

Le lendemain, 23 septembre, une rencontre, qui nous retarda pendant quelques heures, vint justifier une des observations précédemment faites par Kâlagani.

Il était onze heures du matin. Le déjeuner achevé, nous étions tous assis pour la sieste, les uns sous la vérandah, les autres dans le salon de Steam-House. Le Géant d’Acier marchait à raison de neuf à dix kilomètres à l’heure. Une magnifique route, ombragée de beaux arbres, se dessinait devant lui entre des champs de cotonniers et de céréales. Le temps était beau, le soleil vif. Un arrosage « municipal » de ce grand chemin n’eût pas été à dédaigner, il faut en convenir, et le vent soulevait une fine poussière blanche en avant de notre train.

Mais ce fut bien autre chose, lorsque, dans une portée de deux ou trois