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la maison à vapeur.

les y enferment, les séparent les uns des autres avec l’aide d’éléphants domestiques, dressés ad hoc, les entravent aux pieds de derrière, et la capture est opérée.

Mais cette méthode, qui exige du temps et un certain déploiement de forces, est le plus souvent inefficace, lorsqu’on veut s’emparer des gros mâles. Ceux-là, en effet, sont des animaux plus malins, assez intelligents pour forcer le cercle des rabatteurs, et ils savent éviter leur emprisonnement dans le kiddah. Aussi, des femelles apprivoisées sont-elles chargées de suivre ces mâles pendant quelques jours. Elles portent sur leur dos leurs mahouts, enveloppés dans des couvertures de couleur sombre, et, lorsque les éléphants, qui ne se doutent de rien, se livrent tranquillement aux douceurs du sommeil, ils sont saisis, enchaînés, entraînés, sans même avoir eu le temps de se reconnaître.

Autrefois, — j’ai déjà eu occasion de le dire, — on capturait les éléphants au moyen de fosses, creusées sur leurs pistes, et profondes d’une quinzaine de pieds ; mais, dans sa chute, l’animal se blessait, ou se tuait, et l’on a presque généralement renoncé à ce moyen barbare.

Enfin, le lasso est encore employé dans le Bengale et dans le Népaul. C’est une vraie chasse, avec d’intéressantes péripéties. Des éléphants, bien dressés, sont montés par trois hommes. Sur leur cou, un mahout, qui les dirige ; sur leur arrière-train, un aiguillonneur, qui les stimule du maillet ou du croc ; sur leur dos, l’Indou, qui est chargé de lancer le lasso, muni de son nœud coulant. Ainsi équipés, ces pachydermes poursuivent l’éléphant sauvage, pendant des heures quelquefois, au milieu des plaines, à travers les forêts, souvent pour le plus grand dommage de ceux qui les montent, et, finalement, la bête, une fois « lassée », tombe lourdement sur le sol, à la merci des chasseurs.

Avec ces diverses méthodes, il se prend annuellement dans l’Inde un grand nombre d’éléphants. Ce n’est pas une mauvaise spéculation. On vend jusqu’à sept mille francs une femelle, vingt mille un mâle, et même cinquante mille francs, lorsqu’il est pur sang.

Sont-ils donc réellement utiles, ces animaux, qu’on les paye de tels prix ? Oui, et, à condition de les nourrir convenablement, — soit six à sept cents livres de fourrage vert par dix-huit heures, c’est-à-dire à peu près ce qu’ils peuvent porter en poids pour une étape moyenne, — on en obtient de réels services : transport de soldats et d’approvisionnements militaires, transport de