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cent contre un

Mais les armes à feu tonnèrent de nouveau. Les balles s’abattirent comme grêle jusque sur les premiers groupes. À peine cinq ou six éléphants nous barraient-ils encore le passage. La plupart tombèrent, et les roues grincèrent sur un sol rouge de sang.

À cent pas du lac, il fallut repousser ceux de ces animaux qui formaient un dernier obstacle.

« Encore ! encore ! » cria Banks au mécanicien.

Le Géant d’Acier ronflait comme s’il eût renfermé un atelier de dévideuses mécaniques dans ses flancs. La vapeur fusait par les soupapes sous une pression de huit atmosphères. À les charger, si peu que ce fût, on eût fait éclater la chaudière, dont les tôles frémissaient. Ce fut inutile, heureusement. La force de Géant d’Acier était maintenant irrésistible. On eût pu croire qu’il bondissait sous les coups de piston. Ce qui restait du train le suivit, écrasant les membres des éléphants jetés à terre, au risque d’être culbuté. Si un pareil accident se fût produit, c’en était fait de tous les hôtes de Steam-House.

L’accident n’arriva pas, la berge du lac fut enfin atteinte, et le train flotta bientôt sur les eaux tranquilles.

« Dieu soit loué ! » dit le colonel Munro.

Deux ou trois éléphants, aveuglés par la fureur, se précipitèrent dans le lac, et ils essayèrent de poursuivre à sa surface ceux qu’ils n’avaient pu anéantir en terre ferme.

Mais les pattes du Géant firent leur office. Le train s’éloigna peu à peu de la rive, et quelques dernières balles, convenablement ajustées, nous délivrèrent de ces « monstres marins », au moment leurs trompes allaient s’abattre sur la vérandah de l’arrière.

« Eh bien, mon capitaine, s’écria Banks, que pensez-vous de la douceur des éléphants de l’Inde ?

— Peuh ! fit le capitaine Hod, ça ne vaut pas les fauves ! Mettez-moi une trentaine de tigres seulement à la place de cette centaine de pachydermes, et que je perde ma commission, si, à l’heure qu’il est, un seul de nous serait encore vivant pour raconter l’aventure ! »