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la maison à vapeur.

hommes par bataillon dans l’armée du Bengale, et huit à neuf cents dans les armées de Bombay et de Madras ; pour la cavalerie, six cents sabres dans chaque régiment des deux armées.

En somme, en 1857, ainsi que l’établit avec une extrême précision M. de Valbezen dans ses Nouvelles Études sur les Anglais et l’Inde, ouvrage très remarqué, on pouvait « évaluer à deux cent mille hommes de troupes natives, et à quarante-cinq mille hommes de troupes européennes, le total des forces des trois présidences. »

Or, les Cipayes, tout en formant un corps régulier que commandaient des officiers anglais, n’étaient pas sans quelque velléité de secouer ce dur joug de la discipline européenne, que leur imposaient les conquérants. Déjà, en 1806, peut-être même sous l’inspiration du fils de Tippo Sahib, la garnison de l’armée native de Madras, cantonnée à Vellore, avait massacré les grand’gardes du 69e régiment de l’armée royale, incendié les casernes, égorgé les officiers et leurs familles, fusillé les soldats malades jusque dans l’hôpital. Quelle avait été la cause de cette rébellion, — la cause apparente, au moins ? Une prétendue question de moustaches, de coiffure et de boucles d’oreilles. Au fond, il y avait la haine des envahis contre les envahisseurs.

Ce premier soulèvement fut promptement étouffé par les forces royales cantonnées à Ascot.

Une raison de ce genre, — un prétexte aussi, — devait également provoquer à son début le premier mouvement insurrectionnel de 1857, — mouvement bien autrement redoutable, qui eût peut-être anéanti la puissance anglaise dans l’Inde, si les troupes natives des présidences de Madras et de Bombay y eussent pris part.

Avant tout, cependant, il convient de bien établir que cette révolte ne fut pas nationale. Les Indous des campagnes et des villes, cela est certain, s’en désintéressèrent absolument. En outre, elle fut limitée aux États semi-indépendants de l’Inde centrale, aux provinces du nord-ouest et au royaume d’Oude. Le Pendjab demeura fidèle aux Anglais, avec son régiment de trois escadrons du Caucase indien. Restèrent fidèles aussi les Sikhs, ces ouvriers de caste inférieure, qui se distinguèrent particulièrement au siège de Delhi ; fidèles, ces Gourgkhas, amenés au siège de Lucknow, au nombre de douze mille, par le rajah du Népaul ; fidèles enfin les Maharajahs de Gwalior et de Pattyalah, le rajah de Rampore, la Rani de Bhopal, fidèles aux lois de l’hon-