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la révolte des cipayes.

qu’un de ces malheureux fut rôti vivant par les Sikhs sous les yeux mêmes des officiers anglais.

Le 11, cinquante corps de Cipayes comblaient les fossés du palais de la Bégum, à Lucknow, sans qu’un seul blessé eût été épargné par des soldats qui ne se possédaient plus.

Enfin, en douze jours de combats, trois mille natifs expiraient par la corde ou sous les balles, et, parmi eux, trois cent quatre-vingts fugitifs entassés dans l’île d’Hidaspe, qui s’étaient sauvés jusque dans le Cachemire.

En somme, sans tenir compte du chiffre des Cipayes qui furent tués les armes à la main, pendant cette répression impitoyable, — répression qui n’admettait pas de prisonniers, — rien que pour la campagne du Pendjab, on ne trouve pas moins de six cent vingt-huit indigènes fusillés ou attachés à la bouche des canons par ordre de l’autorité militaire, treize cent soixante-dix par ordre de l’autorité civile, trois cent quatre-vingt-six pendus par ordre des deux autorités.

Total fait, au commencement de l’année 1859, on estimait à plus de cent vingt mille le nombre des officiers et soldats natifs qui périrent, et à plus de deux cent mille celui des indigènes civils qui payèrent de leur vie leur participation, souvent douteuse, à cette insurrection. Terribles représailles contre lesquelles, non sans raison peut-être, M. Gladstone protesta avec énergie au parlement anglais.

Il était important, pour le récit qui va suivre, d’établir, de part et d’autre, le bilan de cette nécrologie. Il le fallait, pour faire comprendre au lecteur quelle haine inassouvie devait rester aussi bien au cœur des vaincus, assoiffés de vengeance, qu’à celui des vainqueurs, qui, dix ans après, portaient encore le deuil des victimes de Cawnpore et de Lucknow.

Quant aux faits purement militaires de toute la campagne entreprise contre les rebelles, ils comprennent les expéditions suivantes, qui vont être sommairement citées.

C’est d’abord la première campagne du Pendjab, qui coûta la vie à sir John Laurence.

Puis vient le siège de Delhi, cette capitale de l’insurrection, renforcée par des milliers de fugitifs, et dans laquelle Mohammed Schah Bahadour fut proclamé empereur de l’Indoustan. « Finissez-en avec Delhi ! » avait impérieusement ordonné le gouverneur général dans une dernière dépêche au commandant en chef, et le siège, commencé dans la nuit du 13 juin, se terminait